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parler du bon sens, qu’elle étend ses prétentions sur tout, sur l’administration, sur la préfecture de police, sur la garde républicaine, sur les principes financiers, sur l’instruction publique à tous les degrés. Il y a quelques années, ce conseil municipal à tout faire a eu la fantaisie de créer une chaire en pleine Sorbonne, d’instituer un cours nouveau d’histoire de la révolution française, et on a eu la faiblesse de se prêter à son caprice, de lui ouvrir la vieille Sorbonne. Aujourd’hui, l’histoire ne lui suffit plus : il crée une chaire de « philosophie biologique, » il veut opposer les théories de Darwin au spiritualisme suranné de nos professeurs. Il a entrepris de régénérer la science et de donner une impulsion nouvelle à notre enseignement supérieur ! À plus forte raison s’occupe-t-il de l’enseignement primaire. Là il règne en maître et souverain, sans s’occuper des réglemens publics et des programmes officiels. Il réforme, bouleverse à son gré le régime intérieur des écoles. Il révise avec un soin jaloux les livres d’éducation ou de prix pour en bannir toute apparence d’un spiritualisme arriéré, toute allusion au « nommé » Dieu, — c’est le langage qu’on parle à l’Hôtel de Ville. Chose curieuse cependant ! on a refusé à tous les conseils municipaux de France le droit d’avoir un avis sur leurs écoles, sur le choix de leurs instituteurs ; on refuse aux pères de famille le droit de disposer de l’éducation de leurs enfans. Seul, le conseil municipal de Paris peut tout faire, tout régenter, supprimer des traitemens si les professeurs ne lui plaisent pas, imposer ses fantaisies radicales et anarchistes, — au risque de pousser l’omnipotence jusqu’au ridicule ! Et, bien entendu, il ne se borne pas à l’enseignement. Il est occupé aujourd’hui à réformer le système financier, à établir une nouvelle répartition de l’impôt personnel et mobilier à Paris, sans s’inquiéter des lois et des principes de notre régime financier. Par une combinaison ingénieuse, par un abus du mot « d’indigent, » il a trouvé le moyen d’exonérer d’un seul coup la plus grande partie des habitans de Paris, ceux qu’il veut favoriser, et de faire peser toute la contribution mobilière sur le plus petit nombre, sur ceux qu’il appelle les « riches. » Il met son socialisme dans les finances comme il met son radicalisme athée dans l’enseignement. Il va ainsi, cet étrange conseil, tranchant, bouleversant, désorganisant, à peine arrêté de temps à autre par quelque décret timide d’annulation qui n’empêche rien !

Eh bien ! la question est de savoir si l’état, représenté par le gouvernement, par les chambres, l’état légal de la France, peut admettre en face de lui un pouvoir bravant les lois, dirigeant l’enseignement, maniant à bon gré l’organisation financière, disposant arbitrairement d’un budget de 300 ou 400 millions, — et au besoin prétendant opposer par l’insurrection sa volonté à la volonté nationale. La question est là tout entière aujourd’hui, à cette fin d’année ; elle est entre deux politiques