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rien, soit par suite de prétentions difficiles à concilier, soit parce que les derniers négociateurs envoyés de Rome il y a quelques semaines sont arrivés à Paris en pleine crise présidentielle. Le traité dénoncé expirait cependant aujourd’hui même. On allait se trouver dans une situation singulièrement scabreuse; on restait en face d’un tarit général excessif voté il y a quelques mois par les Italiens, et il a fallu que notre chambre, avant de se séparer, votât en toute hâte une résolution autorisant le gouvernement à poursuivre la prorogation des anciennes conventions commerciales, en attendant un nouveau traité, ou l’armant, à tout événement, du droit de proportionner nos tarifs aux tarifs italiens. Le ministère s’est empressé d’envoyer à Rome M. Teisserenc de Bort, avec la mission de négocier un nouveau traité; et, avant tout, une prorogation assez courte, peut-être trop courte, du traité ancien, paraît avoir été convenue. Le premier danger est ainsi écarté; il n’est cependant écarté que pour le moment, pour ces deux mois de trêve qu’on s’est donnés. Les difficultés du nouveau traité restent encore assez graves, précisément parce que cette négociation se complique de bien des élémens insaisissables, parce que de plus, des deux côtés des Alpes, les passions protectionnistes sont en éveil.

Au fond, il n’est point douteux que les deux nations sont également intéressées à régler libéralement leurs relations, et la pire des éventualités serait qu’après une négociation infructueuse on fût ramené à cette dangereuse guerre de tarifs qu’on a voulu prudemment éviter La France en souffrirait dans ses industries sans aucun doute; l’Italie en souffrirait assurément encore plus que la France, et ce qu’il y aurait de plus désastreux, ce serait que cette guerre d’intérêts sans raison, sans profit, ne servirait manifestement qu’à aigrir les rapports entré deux nations que tout devrait rapprocher, que les fausses politiques seules peuvent diviser.

Les événemens ont donné Rome aux Italiens, ils ne l’ont pas complètement enlevée au pape, qui, en perdant ses états, n’a pas perdu sa grandeur. A côté du Quirinal, où règne le roi, le Vatican, asile du chef des catholiques du monde, garde sa majesté, et un des épisodes les plus curieux de cette fin d’année est assurément cette manifestation dont le saint-père est l’objet à l’occasion de son jubilé sacerdotal du cinquantième anniversaire de sa consécration ecclésiastique. C’est le jubilé du pape comme c’était, il y a six mois, le jubilé plus mondain de la reine d’Angleterre, et le souverain sans états n’est pas moins fêté que la souveraine dont l’empire s’étend jusqu’aux Indes. Rome est pour un instant le rendez-vous des délégués, des pèlerins de tous les pays allant porter au pape des présens de toute sorte, somptueux ou modestes. La plupart des chefs d’état, l’empereur d’Allemagne l’empereur d’Autriche, la reine régente d’Espagne, ont envoyé des ambassadeurs extraordinaires. La reine Victoria elle-même a choisi, pour la