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couvre avec des loques, avec des vêtemens hors d’usage, parfois même avec un vieux paillasson ramassé au coin d’une borne ; mais la couverture est un objet de luxe qui, engagée « au clou, » permet une longue visite chez le marchand de vin.

Avec le salaire du travail et ce que l’on appelle « la compensation, » on diminue singulièrement l’indigence qui a la volonté d’échapper à ses propres périls. Mais bien des gens accablés par la misère ne sont aptes ni aux travaux de la couture, ni au métier d’hommes de peine ; nul corps d’état n’échappe aux étreintes de la pauvreté, je les trouve tous indiqués sur des tables statistiques relatant les origines de 96,000 individus valides, devenus indigens pour des causes qui varient à l’infini. À côté des terrassiers, des maçons, des coiffeurs, des ouvriers en articles de Paris et de bien d’autres encore, je lis : comptables, écrivains, 1,723 ; commerçans ruinés, faillis, 1,187 ; professeurs, gens de robe, nobles, 1,523. Voilà donc 4,430 malheureux qui n’ont reçu aucune éducation manuelle et qui sont incapables de faire toute grosse besogne. Plus l’homme a vécu confortablement, plus il a été bien élevé, plus il tombe bas dans les jours de détresse, car, n’ayant appris aucun métier, il en est réduit à se faire terrassier ou gravatier ; rude labeur qui l’épuise, auquel il est impropre et devant lequel il recule. L’Assistance par le travail s’est préoccupée avec sollicitude de cette catégorie d’individus, que leurs habitudes précédentes et bien souvent la délicatesse de leurs manières rendent plus intéressans que les autres. Parmi ces hommes, il en est beaucoup qui ont de l’instruction, qui ont une « belle main » et qui sont capables de faire des recherches dans les bibliothèques. Pour ceux-là, on a établi et l’on voudrait développer un bureau de « copies, » sans retenue sur le salaire. Les frais d’achat, — plumes, encre et papier, — sont minimes et le bénéfice serait acquis tout entier à ces ouvriers de l’écritoire. Dans certaines agences où vont travailler les déclassés, dans ces « fosses aux lions » où s’entassent les bacheliers, les professeurs sans élèves, les comptables sans registres, les clercs sans étude, la rémunération est dérisoire et suffit mal au pain du jour. Plus d’un de ces copistes condamnés aux pages forcées, ne sachant où aller coucher, dort sur le carreau de la chambre où il a travaillé depuis le matin. À l’assistance, le salaire a plus d’ampleur et permet, pour peu que l’on soit économe, l’achat des vêtemens et le paiement du loyer ou du garni.

L’Assistance par le travail ne voudrait pas s’en tenir à ces deux « branches, » comme elle dit : à la branche des confections et à la branche des travaux d’écritures. Elle a des visées plus hautes, qui, si elles parvenaient à réalisation, constitueraient un bienfait