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sommes forcés d’empêcher les Arabes de le faire, n’ayant pas d’autre moyen de les atteindre dans leurs intérêts. »

Parti de Mostaganem le 27 novembre, le général de La Moricière amena, le 1er décembre, à la garnison de Mascara le renfort de huit vieux bataillons, d’une batterie de montagne et de 150 spahis commandés par le lieutenant-colonel Jusuf. Un convoi chargé des objets les plus disparates, mais tous indispensables pour combattre et pour vivre, munitions de guerre et de bouche, moulins portatifs, charrues, semences, etc., avait cheminé sous la protection de la colonne. Une nouvelle désagréable attendait les nouveau-venus : quelques jours auparavant, Ben-Tami avait enlevé la moitié du troupeau de la place, trois cents bœufs, et fait quelques prisonniers, parmi lesquels un jeune officier d’état-major, le lieutenant de Mirandol. La Moricière n’était pas de caractère à s’en désespérer ; puisque les Arabes avaient commencé la razzia, rien n’était plus naturel ni plus juste que d’aller prendre chez eux la revanche.

Quartier-général de la division. Mascara devenait par le fait la capitale effective de la province dont Oran n’était plus que le chef-lieu nominal. C’était de Mascara que La Moricière allait prendre son essor. Quelques indications sur les principales tribus exposées, dans un rayon d’une centaine de kilomètres, à ses atteintes, ne seront peut-être pas inutiles. Adossée vers le nord au pays montagneux des Beni-Chougrane et des Bordjia, Mascara voyait se développer à ses pieds l’immense plaine d’Eghris, qui, par la vallée de l’Oued-Sidi-Abdallah, la mettait en communication au nord-est avec les puissans Flitta, riverains de la Mina. Dans la plaine même vivaient les deux fractions des Hachem, plus puissans encore : au sud-est des Hachem-Cheraga, sur l’autre versant des montagnes qui forment au midi la limite de la plaine, s’élevait le pays tourmenté des Bou-Ziri et des Sdama; au sud des Hachem-Gharaba, c’étaient, sur la limite du Tell et des Hauts-Plateaux ou du Petit-Désert, comme on disait en ce temps-là, les tribus de la Yakoubia ; au sud-ouest, les Djafra; à l’ouest enfin, au-delà de l’Oued-Hammam, qui est l’Habra supérieur, égaux en force aux Hachem, les Beni-Amer.

Telles étaient les populations que La Moricière avait la ferme volonté de soustraire à l’autorité d’Abd-el-Kader en les attaquant, en les poursuivant, en les inquiétant pour tous leurs intérêts, sans repos ni relâche, sans souci de l’hiver, de la neige et de la tempête; et le moyen, l’unique moyen d’y parvenir, c’était la razzia.

Sur ce point-là, parfaitement d’accord avec Bugeaud et La Moricière, le général Changarnier s’est expliqué en termes excellens dans le passage suivant de ses mémoires : « La presse d’un pays qui, pour fonder sa puissance dans l’Inde, n’a pas suivi les règles