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en tribu, cherchant un asile, quand, au mois de juin 1843, un chaouch de Ben-Allal se mit sur ses traces et, l’accusant de vouloir rejoindre les Français, l’étendit mort d’un coup de fusil à bout portant. Le lendemain, dit la légende, sa femme et sa sœur, qui étaient jolies, se faisaient musulmanes et passaient, l’une dans le harem de Ben-Allal, l’autre dans celui d’El-Kharoubi, premier secrétaire d’Abd-el-Kader.

Les fausses négociations auxquelles le général Bugeaud s’était un moment laissé prendre ayant misérablement échoué, il importait de n’en laisser le bénéfice ni à l’émir ni à ses lieutenans, et de détromper par des faits bien évidens les populations qu’ils amusaient en faisant miroiter à leurs yeux des visions pacifiques.

Les premiers désabusés furent les Hadjoutes ; le 15 et le 16 mars, quatre colonnes, dirigées par le général Changarnier, battirent tout le pays compris entre Koléa, Bordj-el-Arba, Haouch-Mouzaïa et la mer. Après les Hadjoutes, ce fut chez les Beni-Menacer, les compatriotes de Barkani, que la démonstration fut faite.

Parti de Blida, le 1er avril, avec deux brigades commandées par les généraux de Bar et Changarnier, le gouverneur alla détruire à Bordj-el-Beylik, sur l’Oued-el-Hachem, des moulins, une manutention et des fours d’où le khalifa tirait le pain pour ses réguliers, puis la zaouïa des Barkani, après quoi il gagna Cherchel, où il s’embarqua pour Alger, en laissant au général Changarnier le soin de ramener les troupes. Ce fut pour le général l’occasion de faire aux Hadjoutes une seconde visite qui leur fut encore plus préjudiciable que la première. En fouillant le bois des Kareza, il y découvrit un certain nombre de familles émigrées plus ou moins volontairement de la Métidja, et les ramena aux environs de Guerouaou, où elles plantèrent provisoirement leurs tentes ; les soldats leur donnèrent le sobriquet jovial de Béni-Ramassés.

Pendant le retour de la division, un acte d’héroïsme venait d’immortaliser le nom d’un sergent du 26e de ligne. Le 11 avril, le lieutenant-colonel Morris, qui commandait à Boufarik, avait reçu l’ordre de faire passer une dépêche à Mered ; comme il ne lui restait que 89 hommes disponibles, il ne put distraire de cette faible garnison que 1 sergent et 16 fusiliers du 26e, 1 brigadier et 2 cavaliers du 4e chasseurs d’Afrique; un chirurgien sous-aide, que son service appelait à Blida, se joignit à cette petite troupe.

Elle se mit en chemin vers une heure de l’après-midi; la plaine semblait déserte. Le détachement n’était plus qu’à 2 kilomètres de Mered, quand les chasseurs qui éclairaient la marche découvrirent une masse de cavaliers embusqués dans un ravin. A peine signalés, les Arabes s’élancèrent. Leur chef, un cavalier rouge, somma en français le détachement de se rendre. Celui qui le commandait.