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rejoindre le général Changarnier et de guider son retour sur l’Oued-Riou. Le lendemain, Bel-Hadj, les cheikhs des Beni-Ouragh et les marabouts de Bess-Ness vinrent, avec les chevaux de soumission, faire hommage au gouverneur.

Le 18 décembre, le duc d’Aumale, à la tête de sept bataillons et des trois quarts de la cavalerie, reprit le chemin du Titteri et de la Métidja. Avec le reste du corps expéditionnaire, Changarnier le montagnard allait faire une reconnaissance à travers le Dahra. Le 22, au pont de bois récemment construit à l’américaine par le génie sur la Mina, près de Bel-Hacel, le gouverneur se sépara de son lieutenant; il allait s’embarquer à Mostaganem et lui donnait rendez-vous pour le 29 devant Ténès.

Le 25, Changarnier entra dans le Dahra, qui se montra aussi paisible que la plus grande partie de l’Ouarensenis. Arrivé, le 28, au-dessus de Ténès, il reçut la visite du hakem, du cadi et des Coulouglis, qui composaient la population de cette petite et misérable bourgade. Il n’y avait moyen ni de s’y loger, ni de s’y ravitailler même; la saison était devenue mauvaise; la pluie tombait à torrens. Sans attendre le rendez-vous indiqué par le gouverneur, Changarnier prit sur lui de lever immédiatement le bivouac et de gagner sans plus tarder Cherchel par un chemin difficile et rocheux, mais que la pluie ne pouvait pas dégrader. Le 1er janvier 1843, la colonne bivouaqua sous les murs de cette ville; le lendemain, elle descendit dans la Métidja, et le 5, chacun des corps qui la composaient rentra dans ses cantonnemens.

Retenu à Mostaganem par l’état de la mer, le général Bugeaud n’avait pu arriver que le 30 décembre à Ténès, avec deux bateaux à vapeur chargés de vivres. Au lieu d’y être reçu par Changarnier, comme il devait s’y attendre, il n’y trouva qu’une lettre par laquelle son lieutenant lui donnait avis qu’il avait été dans l’obligation de passer outre. Le mécompte ne laissa pas de lui être particulièrement désagréable. Une remarque au moins surprenante à faire, c’est que, dans ses mémoires, Changarnier s’étonne et se plaint de n’avoir reçu, après sa course du Dahra, aucun remercîment du gouverneur.

Ce dernier incident à part, l’année 1842, si bien remplie, aurait été pour la satisfaction du général Bugeaud parfaitement heureuse, s’il ne s’était pas élevé quelques dissentimens entre lui et le ministre de la guerre. Les adversaires de l’Algérie dans la chambre des députés n’osaient plus, à quelques exceptions près, soulever contre la conquête les anciens griefs; le ridicule échec de l’obstacle continu avait mis en déroute les partisans honteux de l’occupation restreinte; restait la question du budget, sur laquelle ils essayaient de retrouver leur avantage. En effet, il y avait à dire, car l’effectif