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suivant que l’on adopte l’appellation espagnole ou anglaise. Ce sont les avant-postes de l’archipel des Carolines, avec lequel elles se confondent, et qui déploie, sur un espace de 3,000 kilomètres de l’est à l’ouest et de 600 du sud au nord, son vaste éventail de cinq cents îles ou îlots, semés comme des émeraudes sur le Pacifique. Trois de ces îles seulement, Ponapi, Oualau et Hogolou, dressent à une grande hauteur leurs sommets couronnés de verdure, sur lesquels s’effrangent les nuages rosés du contre-courant équatorial. Une végétation intense tapisse le sol jusqu’au bord de la mer. Les cocotiers bordent la plage; les nipas, palmiers sans troncs et aux feuilles gigantesques, entrelacent leurs puissans rameaux. Le pandanus, l’arbre des atolls et des terres volcaniques, le bananier, le figuier, l’arbre à pain, abondent[1]. Mais plus abondantes encore sont les fougères, dont on retrouve dans ces îles toutes les variétés, depuis la fougère minuscule jusqu’à la fougère arborescente, si commune dans l’archipel des Sandwich, où elle atteint de 25 à 30 pieds de hauteur.

Tout le reste de cet archipel se compose d’îles basses, d’atolls construits par les zoophytes, lentement surexhaussés pendant des siècles par l’océan, et atteignant déjà une altitude qui les met à l’abri des raz de marée et des vagues de translation. Situées entre le courant et le contre-courant équatorial qui les enserrent, dans la zone des vents d’ouest qui entraînent vers les côtes asiatiques les nuages du tropique du Cancer, arrosées par des pluies abondantes et fréquentes, ces îles sillonnées de cours d’eau jouissent d’une température égale qui oscille toute l’année entre 22 et 29 degrés. Cette chaleur continue est tempérée par la brise de mer. L’action du soleil et de l’eau sur ce sol de détritus d’une grande profondeur entretient une végétation abondante et fournit aux habitans tout ce qui est nécessaire à leur alimentation. Vivant sans besoins, ils vivent aussi sans commerce et, seuls peut-être parmi les peuplades de l’Océanie, ignorent la guerre et la chasse. Dans l’île d’Oualan, ils sont totalement dépourvus d’armes; « ils n’ont même pas de bâtons destinés à frapper leur semblable[2]. » Leur industrie se borne à la pêche ; les côtes, semées de récifs qui se prolongent au large, sont très poissonneuses et abondent surtout en nerwalls, licornes de mer. Les dangers de la navigation ont fait d’eux d’excellens marins. Sur leurs pirogues, merveilleusement construites, ils n’hésitent pas à s’aventurer à de grandes distances ; ils excellent à capturer le poisson volant, et pourchassent même les baleines qu’ils forcent à s’échouer dans les récifs, où ils les tuent et les dépècent.

  1. El Archipiélago Filipino y las islas Marianas, Carolinas y Palaos, por D. José Montero y Vidal. Madrid, 1886, M. Tello, 1 vol. in-8o.
  2. Les Iles Carolines, par A. Gouts; Paris, Challamel aîné.