referendum, le suffrage universel casse et met à néant les décisions des assemblées législatives qui ne sont pas conformes aux sentimens de la majorité des citoyens : l’exercice de ce droit de révision, d’abord assez rare, devient de plus en plus fréquent. Ces consultations directes et répétées de l’universalité des citoyens seraient malaisément praticables sur un territoire aussi étendu que celui des États-Unis et avec une population aussi considérable. Aussi, en Amérique, l’appel au peuple est-il réservé pour la révision, soit de la constitution fédérale, soit des constitutions particulières des états. Ces révisions doivent être l’œuvre d’assemblées spéciales, élues ad hoc, et elles doivent être soumises à la ratification populaire. En dehors de ces circonstances exceptionnelles où l’intervention du peuple lui-même a été jugée nécessaire, la constitution américaine a cherché un frein aux excès du pouvoir législatif dans une forte organisation du pouvoir exécutif. Il ne faut pas que l’étiquette républicaine fasse ici illusion : à l’exception de la Russie, il n’est aucun pays civilisé où le pouvoir exécutif soit aussi fortement constitué, soit investi de prérogatives aussi étendues, et exerce une action personnelle aussi considérable qu’aux États-Unis. Le président américain a infiniment plus d’initiative, d’autorité et de pouvoir qu’aucun souverain constitutionnel, lise meut librement dans la sphère de ses attributions, il peut agir à découvert, il peut avoir une politique personnelle, et la véritable limite de son pouvoir est dans la courte durée de sa fonction. La constitution lui a donné pour auxiliaire et pour associé dans l’administration le sénat, qu’elle a rendu plus influent et plus puissant que la chambre, par les attributions qu’elle lui a conférées et que les élus du suffrage universel ne partagent pas : à savoir la confirmation des principaux fonctionnaires et l’examen qui a lieu, en séance secrète, des traités conclus par le président. Enfin, bien que les États-Unis ne connaissent point la centralisation qui met la vie nationale tout entière à la merci d’une décision législative, leur constitution a coupé court à l’ingérence parlementaire dans l’administration et a virtuellement supprimé les crises ministérielles, en édictant que les ministres du président seront pris en dehors des chambres et n’y auront point entrée. La chambre n’a donc aucun moyen de contraindre le président à renvoyer les collaborateurs qu’il s’est choisis, et aucune révolution ministérielle ne vient agiter le pays.
Ce serait un remède héroïque au mal dont la France souffre ; mais il serait d’autant plus malaisé de le faire accepter, qu’un courant tout contraire semble régner au sein de notre démocratie. Bien que des hommes publics qui ont participé au gouvernement depuis une douzaine d’années, et particulièrement des ministres des finances,