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suffirait de modifier le règlement de la chambre et de supprimer la commission du budget. L’instrument du despotisme législatif serait brisé, et il est impossible d’apercevoir ce que le contrôle que la chambre doit exercer sur les finances publiques pourrait perdre à cette suppression. Que pourrait-on regretter ? Seraient-ce les séances tenues à huis-clos par une dizaine de commissaires, honteux de leur petit nombre ? Serait-ce le fatras des rapporteurs, souvent emprunté aux rapports des années précédentes ? Seraient-ce ces petits grappillages qui consistent généralement à supprimer un garçon de bureau, à rogner le traitement d’un commis, à réduire un fonds de secours ou de gratifications ? Mais les auteurs de ces belles conceptions financières pourraient toujours les porter à la tribune. Quelle réforme utile est sortie, depuis douze ans, des travaux de la commission du budget ? Quelle économie importante a-t-elle réalisée qui n’ait été annulée plus tard par un crédit extraordinaire ? Quelle lumière, enfin, a-t-elle répandue sur la situation financière ? Ne sont-ce pas les rapports complaisans de la commission du budget qui ont voilé la vérité aux yeux du pays et endormi le parlement, jusqu’à ce qu’il se soit réveillé au bord de l’abîme ? Lorsqu’un ministre des finances honnête homme, M. Tirard, a eu le premier la franchise de prononcer le mot de déficit, quels contradicteurs a-t-il trouvés devant lui, sinon le président et le rapporteur de la commission du budget ? Non, cette commission n’est ni un instrument de réforme ni une source de lumière : son existence sert uniquement à justifier la paresse des députés, qui se dispensent d’ouvrir le budget et les rapports dont il est l’objet, en disant qu’il y a une commission pour cette besogne fastidieuse.

Il n’y a point en Angleterre de commission du budget, et on ne distribue point aux membres du parlement quinze à vingt kilos pesant de rapports : la chambre des communes s’est-elle jamais plainte qu’on lui cachât ou qu’on lui laissât ignorer quelque chose ? Le public anglais, qu’on ne taxera pas d’indifférence pour les questions d’argent, ne se tient-il pas pour amplement renseigné sur l’équilibre ou le déficit du budget et sur l’ensemble de la situation financière ? Il apprend ce qu’il est indispensable et utile qu’il en sache par les discussions qui s’engagent entre les hommes les plus compétens et les plus instruits de chaque parti et par les commentaires des journaux. La clarté jaillit inévitablement de ces controverses entre gens capables de discerner la vérité et capables de la dire. En France même, les quatre ou cinq séances que le sénat consacre à la discussion générale du budget répandent plus de lumière sur la situation de nos finances que toute la prose législa-