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perdre toute autorité morale sur son enfant, qui, voyant la contradiction, les changemens de méthode et de principes se succéder dans son éducation, s’apercevrait sur-le-champ que sa mère obéit à des suggestions étrangères, et n’aurait plus dans son infaillibilité la foi aveugle qui est indispensable au respect. Pour diriger l’éducation de sa fille, une mère doit donc s’en rapporter à elle-même et prendre conseil de son expérience, de sa raison et de son cœur. Ce sont là des guides infaillibles, lorsqu’on sait les écouter et qu’on a la force de les suivre. Les petites filles, en somme, ne sont pas des natures bien rebelles. Elles apportent en naissant des dispositions qu’il faut diriger plutôt que combattre. La mobilité de l’esprit, l’impressionnabilité excessive, le désir de plaire, qui sont innés chez elles, ne deviennent des défauts que lorsqu’on les flatte et qu’on leur permet de se donner libre carrière. Il suffit de les maintenir dans de justes limites. Il faut surtout habituer de bonne heure les jeunes filles à supporter l’inévitable. C’est à leur mère à leur apprendre que la vie n’est pas une fête, qu’elles y trouveront de rudes épreuves, et qu’elles doivent s’armer dès l’enfance de résignation et de courage pour les affronter. C’est encore à elles qu’il appartient de leur enseigner l’esprit de sacrifice, l’horreur du mensonge et l’austère loi du devoir. J’estime qu’une mère qui a fondé sur ces puissantes assises l’avenir moral de sa fille a rempli la plus noble tâche qu’il soit donné à une femme d’accomplir.


II.

L’instruction n’a pas, dans l’éducation des filles, la même importance que dans celle des garçons, parce que leur avenir n’en dépend pas; il est donc encore moins rationnel de les soumettre à un entraînement nuisible à leur santé, en vue de leur faire acquérir des connaissances dont elles n’auront jamais à faire preuve.

L’inutilité du savoir encyclopédique était bien comprise autrefois. On se bornait à enseigner aux jeunes filles ce qui leur était nécessaire pour la pratique de la vie; on s’arrêtait même un peu trop tôt en chemin. Les études étaient terminées à quatorze ou quinze ans, c’est-à-dire au moment où elles commençaient à devenir fructueuses. Il en résultait, dans leur instruction, de fâcheuses lacunes, qu’elles ne parvenaient que rarement à combler. Aujourd’hui, on donne dans l’excès opposé. On veut, comme pour les garçons, leur faire tout apprendre à la fois. Elles ont été sacrifiées, elles aussi, à la manie des diplômes, et, de même que les jeunes gens sont