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Le luxe est maintenant à la portée de tout le monde ; il faut bien en prendre son parti. Il est certain que nous ne renoncerons pas au confortable de nos maisons pour retourner dans les demeures glaciales de nos pères et pour y mener la rude vie qui était la leur ; mais il est indispensable, surtout en ce qui concerne l’éducation des jeunes filles, de se tenir en garde contre les inconvéniens du bien-être exagéré et d’en contre-balancer les influences par un genre de vie mieux entendu. L’hygiène a pour cela des ressources infaillibles. Il en est trois dont le pouvoir est souverain : le grand air, l’exercice et l’eau froide.

Les enfans ont, comme les plantes, besoin d’air et de soleil. Lorsqu’ils sont bien portans, il faut les faire sortir tous les jours, quelque temps qu’il fasse. Ils s’y habituent facilement, car ils ne naissent pas frileux. Leur extrême activité leur donne, comme aux oiseaux, la faculté de réagir contre le froid extérieur. Les petites filles sont encore, sous ce rapport, moins impressionnables que les petits garçons. Celles qu’on voit grelotter au coin de la cheminée, couvertes de vêtemens de laine et redoutant le moindre courant d’air, sont malades ou mal élevées. Il règne à cet égard dans le monde des préjugés contre lesquels il faut lutter. Les mères croient avoir assez fait pour l’hygiène lorsqu’elles ont conduit leurs filles, pendant une heure ou deux, dans les belles journées, sur une promenade publique. Cela ne suffit pas; elles ont besoin d’un bain d’air quotidien et prolongé. Il faut surtout, quand elles sont dehors, qu’elles jouent, qu’elles se donnent du mouvement et qu’elles y trouvent de l’attrait. Il est indispensable de leur laisser pour cela une certaine liberté et de les diriger au lieu de les contraindre. « Le grand art de l’éducation, dit Fonssagrives, est de conduire les enfans à aimer ce qui leur est utile. Ce n’est pas une raison pour les livrer complètement à elles-mêmes ; il faut savoir leur interdire ces mouvemens violens, ces cris forcés qui ont pour certaines d’entre elles un attrait inexplicable et qui peuvent aller jusqu’à fausser le timbre de leur voix. »

Les jeux ne sont pas seulement, pour les jeunes filles, un exercice salutaire, ce doit être, comme le dit Mgr Dupanloup, l’école des mouvemens, du bon ton, de la grâce et de la physionomie. Il faut leur interdire ce qui est grossier, vulgaire, de même qu’il ne faut pas les laisser se livrer à des exercices trop violens. Il est des jeux qui demandent à cet égard une attention particulière. La course, quand elle dure trop longtemps, amène des sueurs qui ne sont pas sans danger. Le jeu de la corde, par l’émulation qu’il excite, par le désir de ne pas interrompre une série heureuse, les conduit à des efforts trop longtemps soutenus et détermine parfois des palpitations de cœur qui peuvent devenir le point de départ d’une affection