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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 janvier.

S’il y avait quelque bonheur, pour les nations comme pour les hommes, à désirer ce qu’on n’a pas et à espérer ce qu’on désire, la France pourrait se flatter d’avoir ce genre de bonheur. Elle ne saurait jamais se résigner à désespérer, c’est la force de sa généreuse nature; mais il est certain qu’elle a beaucoup à désirer et à demander dans la situation qui lui est faite et d’où elle compte toujours sortir.

Elle demande un gouvernement au lieu des ombres de ministères qu’elle voit sans cesse passer et repasser devant elle. Elle désire savoir où en sont ses finances, avoir un budget clair et sincère, étudié avec soin, coordonné avec une prévoyante intelligence et voté à propos, avec maturité, non par une sorte d’impatience d’en finir. Elle voudrait sentir au-dessus d’elle la protection d’une justice indépendante et ferme, moins accessible aux influences équivoques, moins exposée aux suspicions qui la déconsidèrent et l’entraînent à des faiblesses nouvelles. Elle souhaiterait une administration éclairée, vigilante, plus occupée des affaires du pays que des intérêts électoraux et des brigues cupides de parti. Elle voudrait des chambres sachant un peu mieux leur devoir, et à Paris un conseil municipal plus digne de la grande ville, ramené d’une main ferme au respect des lois comme à la vérité de son rôle. Elle voudrait tout cela, elle l’espère; elle n’en est pas même encore à voir le commencement de la réalisation de ses désirs et de ses vœux. Non, certainement, il n’y a encore rien de brillant ni de réconfortant dans nos affaires, et ce qu’on voit tous les jours n’est guère, à vrai dire, que la continuation de ce qui se passe depuis bien des années : des faux systèmes, des désorganisations administratives, des faiblesses de gouvernement, des confusions parlementaires, des