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plans d’éludés, au choix des instituteurs, soit enlevé au ministère de l’instruction publique de l’empire et passe sous la juridiction des diètes provinciales. Ainsi, sous toutes les formes, reparaît cette question des nationalités qui est certainement une grave épreuve pour la politique autrichienne, qui pourrait être sa faiblesse dans une guerre contre la Russie. Et voilà pourquoi l’Autriche est intéressée à tout épuiser pour maintenir la paix, à gagner au moins du temps pour essayer de résoudre par degrés ces périlleux problèmes!

L’Allemagne elle-même, sans avoir des embarras de ce genre, n’est point sans avoir ses difficultés intérieures. Elle a en ce moment même deux grosses questions, deux lois des plus sérieuses, des plus dures, soumises au parlement de l’empire : une nouvelle réforme militaire et de nouvelles mesures de sûreté contre les socialistes. Lorsque, l’an dernier, le gouvernement de Berlin, pour obtenir le septennat, allait jusqu’à dissoudre un parlement récalcitrant et jusqu’à ébranler l’Europe, on pouvait croire que c’était le couronnement de son œuvre d’organisation militaire, le maximum des sacrifices et des dépenses demandés au pays. C’était, à ce qu’il paraît, une illusion. La réforme nouvelle, qui est toujours, plus que jamais, la préparation à la guerre, qui est le complément du septennat, ne tend à rien moins qu’à étendre les années de service dans la landwehr, dans le landsturm, et crée une charge publique qui atteint déjà 280 millions, qui dépassera sans doute 300 millions. C’est l’enrôlement de toute la population allemande, l’empire tout entier mis sous les armes, l’organisation militaire poussée à la plus extrême limite, le dernier mot du service universel et obligatoire. Rien n’échappe : après cela, on ne voit plus ce qui pourrait être imaginé et exigé d’une nation. La loi nouvelle pourra être contestée, vue avec déplaisir, signalée comme une dure et coûteuse obligation : elle sera toujours votée, c’est plus que vraisemblable, parce que l’empereur le demande, parce que le chancelier le veut, parce qu’au besoin on réchauffera toutes les susceptibilités patriotiques et on évoquera tous les fantômes. Ce sera mis au compte des nécessités de la défense contre la menace des agressions françaises! Devant cette raison souveraine, le parlement, plus ou moins convaincu, s’inclinera, il ne refusera pas la réforme militaire qu’on lui demande.

Il pourrait y avoir plus de difficultés pour les mesures nouvelles de sûreté intérieure. Ce qui est proposé aujourd’hui n’est, à vrai dire, que le renouvellement et l’extension d’une ancienne loi contre les socialistes. L’acte législatif tout temporaire qui arme l’administration contre les menées révolutionnaires a été déjà plusieurs fois prorogé, il aurait pu l’être encore sans trop de contestation ; mais le gouvernement a tenu à perfectionner son arme en définissant certains délits, en aggravant les peines, en atteignant, par exemple, les manifestations révolutionnaires que des Allemand» se permettraient à l’étranger, et en donnant à l’état