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comme eux la permission en face de l’église : car autrement, c’est une œuvre de démon qui nous met en enfer dans ce monde et dans l’autre, à ce que dit saint Augustin[1]. »

Les charmes de la pauvre Psyché au matin sont décrits comme Greuze les aurait peints. Pendant huit jours, les fêtes se succèdent. Celle que donne le bon évêque à sa maison de Bartais est fort élégamment racontée, avec une pointe de sentimentalité à la Diderot : « Des lampions, couverts comme à Trianon, donnaient une lumière si douce et des ombres si légères que l’eau, les arbres, les personnes, tout paraissait aérien. La lune avait voulu être aussi de la fête, quoiqu’on ne l’en eût pas priée ; mais son éclat argenté et incertain, loin de la ternir, lui prêtait des charmes, et elle se réfléchissait tout entière dans l’immensité d’eau que tu connais ; elle aurait donné à rêver aux plus indifférens et pénétré dans l’âme des plus endurcis. De la musique, des chansons, une foule de paysans bien gaie et bien contente suivait nos pas, se répandait çà et là pour le plaisir des yeux. Au fond du bois, dans l’endroit le plus solitaire, était une cabane, humble et chaste maison. La curiosité nous y porta, et nous trouvâmes Philémon et Baucis courbés sous le poids des ans et se prêtant encore un appui mutuel pour venir à nous. Ils donnèrent d’excellentes leçons à nos jeunes époux, et la meilleure fut leur exemple. Nous nous assîmes quelque temps avec eux et nous les quittâmes attendris jusqu’aux larmes… »

Le tableau est achevé. Il était de mode alors de réhabiliter le bonheur conjugal et patriarcal. C’est bien le ton nouveau où étaient montés les imaginations et les cœurs, de même que cette langue est presque celle de Bernardin de Saint-Pierre. En attendant la révolution politique, il s’en prépare une autre toute morale et littéraire, avec ce sentiment nouveau de la solitude et de la simplicité rustiques. Derniers jours raffinés où l’on pleurait à la réception de Florian à l’Académie ! La Correspondance de Mme de Sabran, qui fait si bien connaître la jeunesse heureuse de Delphine de Custine, est donc aussi une image frappante de cette transformation de mœurs qui préparait la transformation sociale.

Nous sommes au 7 août 1787. Elzéar et sa mère donnent à leur tour une fête aux jeunes époux. Nous voici aux noces de Gamache. Rien n’y manque : ni les tables chargées de victuailles dressées dans le jardin, ni la petite fille du jardinier et son frère, représentant le marié et la mariée, ni la troupe de bergères chantant des couplets composés par Elzéar et Mme de Sabran, ni don Quichotte monté sur une méchante haridelle qu’il a de la peine à faire avancer : son bouclier était un grand plat à soupe, et son armet un bassin

  1. Lettre du 31 juillet 1787.