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la plupart, qui. tout en travaillant de leurs mains pour vivre, prêchaient la république communiste par enthousiasme. Quant aux organes de publicité, sur lesquels les socialistes ont toujours compté beaucoup, ils étaient au nombre de 41 à l’époque du congrès de 1877, imprimés d’ordinaire dans des imprimeries coopératives du parti et comptant ensemble plus de cent mille souscripteurs. Parmi ces organes, le Vorwürts, revue scientifique du socialisme, formé par la fusion de l’ancien Sozialdemokrat avec le Volkstaat, avait dès la première année 12,000 abonnés, en regard de 35,000 pour la Neue Welt, recueil littéraire illustré de la même nuance publié à Stuttgart par Bruno Geiser. La vente annuelle de l’almanach Der Arme Conrad atteignit le chiffre de 50,000 exemplaires, tandis qu’on plaça 100,000 exemplaires de la brochure Nieder mit den Sozialdemokraten pendant la période électorale du mois de février de la même année. Grâce à cet énorme débit, toute une littérature socialiste surgit en peu de temps, car on attachait une grande importance au concours de la presse et des « vingt-cinq soldats de Gutenberg, » comme on appelait dans le parti les lettres de l’alphabet. Avant de créer un nouveau journal, le comité directeur de l’association examinait toujours avec soin si la feuille à fonder avait des moyens d’existence assurés, persuadé qu’il valait mieux ne pas laisser naître un organe dont l’avenir ne serait pas garanti. Sur les rédacteurs engagés au service des journaux socialistes, un quart seulement avait reçu une instruction universitaire : les autres étaient des compositeurs d’imprimerie et des artisans autodidactes de professions diverses. Rédacteurs de journaux et orateurs des réunions publiques passaient d’ailleurs une partie de leur temps en prison et devenaient la pépinière des députés démocrates au parlement de l’empire et dans les assemblées législatives des états particuliers.

Tous les efforts du gouvernement impérial pour ébranler l’organisation du parti ouvrier démocrate-socialiste étaient restés sans résultats. Aux élections du mois de février 1877 pour le Reichstag, les candidats de ce parti avaient obtenu un nombre de suffrages de beaucoup supérieur à celui de la législature précédente. Ce succès inquiétant décida le chancelier de l’empire à proposer des mesures d’exception pour venir à bout du socialisme. Un premier projet de loi soumis au Reichstag le 20 mai 1878, après l’attentat de Hodel, fut repoussé par l’assemblée. Le prince de Bismarck fît dissoudre le Reichstag pour présenter son projet à nouveau après les élections. Dans l’intervalle, l’empereur Guillaume avait été victime d’une seconde tentative d’assassinat de la part du docteur Nobiling. Malgré les dénégations des socialistes, le gouvernement persista à rattacher les deux attentais tout au moins à la propagande révolutionnaire