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au pouvoir, que le ministre de l’intérieur avait lui-même parlé du temps où il faudrait recourir aux armes : wo der Sübel haut und die Flinte schiesst ; qu’aux jours de la Pentecôte de cette année, les troupes de Berlin avaient été consignées en prévision d’une bataille dans les rues que les ouvriers ont tenu à éviter en ne paraissant pas. « Ainsi qu’il a été dit, ajoutait M. Hasselmann, ce sont les hommes au pouvoir, ce sont les classes dominantes, qui proclament le recours à la violence. Ils veulent mettre le prolétariat au ban. Puis on vient de nous dire ici que ceux qui sont derrière nous commenceront et voudront le combat dans le cas où nous ne l’engageons pas. Moi, je déclare net et haut, en ce qui me concerne, je n’ai besoin de personne derrière moi pour m’appuyer; si on porte le peuple au désespoir, je saurai où devra être ma place du côté du peuple ou du côté du gouvernement. Je serai là dans les rangs du peuple, dussé-je laisser au besoin mon sang sur le champ d’honneur! Tous mes amis, tous les socialistes qui sont déjà sur la brèche, feront le sacrifice avec moi, s’il le faut. Pour cela, il ne faut pas attendre de nous, quand les classes au pouvoir nous obligent au combat et nous provoquent et que le désespoir pousse les ouvriers aux barricades, que nous resterons en arrière... Quand on fond des balles pour nous et qu’on aiguise les baïonnettes, alors, nous aussi, nous disons ; « Si nous devons vivre de telle façon sous la tyrannie d’une société de bandits... »

Au milieu du tumulte qui s’éleva dans l’assemblée à ces mots, l’orateur socialiste ne put achever. Un pareil discours ne pouvait servir la cause de la liberté, ni disposer les partisans des mesures de rigueur à revenir de leurs craintes. Le Vorwärts, organe officiel du socialisme allemand, après l’attentat de Hödel, avait également appelé « sur le banc des accusés, non pas les criminels, mais la société. » Abstraction faite de ces exagérations de langage, deux faits essentiels ont été mis en évidence dans le cours des débats : d’une part, la nécessité des remèdes moraux pour guérir le mal, et de l’autre, l’urgence d’une amélioration de la condition des travailleurs. En ce qui concerne les moyens moraux, un des chefs du parti libéral, M. Bamberger, le spirituel auteur de la brochure Deutschland und der Sozialismus (Leipzig, 1878), contesta la possibilité de faire revenir la foi par force dans les esprits ou les têtes dont elle est une fois sortie. De même toute la fraction progressiste, attachée au dogme du laisser-faire, à défaut de croyance religieuse positive, rejetait l’intervention de l’état dans les questions ouvrières et pour la production industrielle. Selon M. Bichter, « la démocratie socialiste n’est pas plus ancienne que le ministère Bismarck. » La politique de ce ministère aurait favorisé les premiers pas du