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la démocratie socialiste un ennemi envers lequel l’état et la société sont dans le cas de légitime défense. Vivre dans une pareille compagnie d’incendiaires et de meurtriers, c’est ôter à toute existence son prix. L’apothéose de la révolution, la glorification de l’assassinat politique, ne peuvent être tolérées sans péril. » Et, dans une péroraison émue, le parlement était exhorté à accepter la loi destinée à mettre aux mains du gouvernement impérial les pouvoirs voulus pour en finir avec les manifestations anarchistes, dût l’un ou l’autre tomber comme victime de la cause de l’ordre dans l’intérêt du salut commun.

Discite moniti! Des feuilles anarchistes avaient proféré des menaces contre ceux qui voteraient au Reichstag en faveur du projet de loi contre le socialisme. Il est vrai que les députés socialistes ont repoussé comme une calomnie le soupçon de vouloir recourir au poignard ou à la dynamite pour servir leur cause. Tout au contraire, doit-on charger la police du reproche de provoquer des troubles, afin de donner au gouvernement le prétexte d’intervenir pour écraser le peuple ouvrier excité par de justes griefs contre ceux qui l’exploitent. Hasselmann et Most, compromis par leurs sorties intempestives, ont été exclus de la députation sur une décision du comité directeur du parti. Les chefs du mouvement admettent la nécessité d’une explosion violente pour un triomphe définitif. Fatalement, la force des choses doit amener cette lutte suprême qui doit déposséder les classes maintenant en possession du pouvoir politique ou de la richesse. Néanmoins, la prudence conseille, pour assurer le succès, de gagner d’abord la majorité du peuple à l’idée du socialisme. Cette tactique sert de règle sous nos yeux. Le comité directeur du parti démocrate-socialiste allemand applique ses décisions avec une étonnante rigueur. Sachant bien ce qu’il veut, sans jamais perdre de vue le but visé, il évite avec soin les conflits avec le pouvoir et met sa persévérance à en ébranler les bases en jetant le discrédit sur toute autorité. Au sein des masses, le mécontentement est éveillé et entretenu par un procédé qui consiste à exciter leurs appétits par le contraste des souffrances réelles des travailleurs avec les abus et les dérèglemens visibles des classes supérieures; à montrer le gouvernement, tel qu’il existe, appliqué surtout à maintenir les privilèges de ces classes au détriment de la liberté et du bien-être des populations ouvrières ou du plus grand nombre; à designer l’église comme le suppôt du despotisme, et les croyances religieuses comme un tissu de superstitions imaginé pour l’exploitation des gens simples, contredit sur tous les points par la science moderne.

Parce que la science moderne lui paraît en contradiction avec la