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chiffre de 31 millions donné plus haut n’est même pas exact, puisqu’il faut y joindre les prélèvemens faits, pour le paiement du personnel, sur le crédit de certains services. On ordonnance ainsi, sous le nom de travaux extraordinaires, de véritables appointemens. Puis, à côté des violations ouvertes de la loi, il y a les moyens de la tourner: les sous-chefs nommés chefs-adjoints, les employés u faisant fonction » de sous-chefs, et, à côté de cela, l’avancement hiérarchique arrêté et la position des petits, restant précaire. « Il serait temps de mettre fin à ces abus, » disait M. Ribot dès 1882. L’année suivante, la commission du budget se borna à demander à la chambre de manifester sa volonté d’opérer des réformes devenues urgentes. La chambre prescrivit l’étude d’une réorganisation des bureaux, par décret rendu en conseil d’état. Mais le conseil d’état enregistra ce qu’on lui soumit sans observation, et les ministres ne firent que consacrer les abus par un acte solennel.

La dépense du matériel a augmenté de près de moitié. Aujourd’hui, un employé de ministère coûte à l’état, pour chauffage, éclairage et papiers, un chiffre moyen de 300 francs par an. À l’intérieur, il coûte 450 francs ; aux affaires étrangères, 460 francs ; à la justice, 540 francs. Il y a vingt ans, au ministère de la guerre, la provision de bois de l’hiver suivant remplissait, chaque été, la moitié de la cour de la rue Saint-Dominique ; peu à peu le tas a envahi la cour tout entière ; maintenant il monte à la hauteur de l’entresol. Dans ce même ministère, on a imaginé, il y a quelques mois, de faire photographier, par ordre, aux frais du trésor, tout le personnel, — un millier d’individus, — depuis le ministre jusqu’aux portiers, sous prétexte que ces photographies, d’ailleurs dénuées de toute ressemblance, serviraient à reconnaître, en cas de guerre, ceux qui ont le droit de pénétrer dans l’immeuble. Ailleurs, des ébénistes officiels, employés à l’année, n’ayant pas une occupation suffisante, travaillent pour le compte du ministre, qui s’en va toujours avec plus de bagages qu’il n’est venu. Les huissiers, garçons de bureau, hommes de peine, frotteurs, lingères, croissent naturellement avec le personnel. Ils sont plus de 1,100 pour les ministères actuels. C’est aussi une conséquence du logement concédé aux fonctionnaires publics dans les bâtimens de l’état. La loi de 1871 décidait que tous les employés logés aux frais de la nation cesseraient de jouir de ces appartemens. Elle n’exceptait que les concierges et agens préposés à la garde du matériel. Elle n’a jamais été abrogée, et voici comme on l’exécute : aux finances, il ne devrait y avoir que à portiers, il y a en outre 44 agens occupant 154 pièces. Aussi, quoique trois directions générales aient été depuis détachées du ministère et installées au dehors, la place