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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 86.djvu/228

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des six grandes oraisons funèbres, et la première édition du Discours sur l’histoire universelle. Mais il suffisait d’une ou deux des Oraisons funèbres, celle d’Henriette de France, par exemple, et celle du prince de Condé, — dont on saura gré, d’ailleurs, à M. Le Petit, de penser quelque bien. M. Le Petit trouve Bossuet éloquent. En revanche, à la description de la première édition du Discours sur l’histoire universelle, il fallait joindre celle de la troisième, l’édition de 1701, la dernière que Bossuet ait revue, et qui diffère de la première en plus d’un point. M. Le Petit, à ce propos, veut bien nous apprendre que Voltaire, « peu suspect de tendresse pour Bossuet, » ne laissait pas pourtant d’admirer beaucoup le Discours sur l’histoire universelle. Dans une prochaine édition de son livre, M. Le Petit pourra même ajouter que Voltaire l’admirait tant qu’il crut devoir le réfuter, et que telle est l’origine de son Essai sur les mœurs. M. Le Petit doit être une bonne âme, qui n’admire que ce qu’il approuve, qui se croit même obligé d’approuver tout ce qu’il admire : Voltaire était un peu plus compliqué. Que si maintenant, de son volume, nous pouvions persuader à M. Le Petit de retrancher un jour quatre sur six des grandes Oraisons funèbres de Bossuet, il nous semble que la description de l’Histoire des variations des églises protestantes, ou encore, et au besoin, le fac-simile du titre de l’Instruction sur les états d’oraison, en tiendraient bien la place. Je ne parle pas des œuvres posthumes, telles que les Elévations sur les mystères ou telles encore que les Sermons. Et, toutefois, si l’on les retrouvait dans une Bibliographie des éditions originales de nos grands écrivains, qui s’en plaindrait ? Mais alors la première édition de la Politique tirée des propres paroles de l’Écriture sainte vaudrait bien aussi la peine d’être décrite, et d’autant que la beauté de l’exécution typographique en est comparable à celle de l’Histoire des variations ou du Discours sur l’histoire universelle.

Sur le chemin du XVIIe au XVIIIe siècle, nous rencontrons dans le livre de M. Le Petit le nom de Mme Deshoulières, et la description de l’édition originale de ses Poésies, datée de 1688. C’est leur faire beaucoup d’honneur. Mais elles sont, paraît-il, assez recherchées des bibliophiles. Saisissons donc cette occasion de renvoyer M. Le Petit à la notice que Sainte-Beuve a jadis tracée de Mme Deshoulières dans ses Portraits de femmes. Il y apprendra que Mme Deshoulières n’est pas seulement l’auteur des Moutons, mais aussi celui du Ruisseau par exemple, et de diverses Réflexions qui ne manquent pas de hardiesse.


Courez, Ruisseau, courez, fuyez-nous ; reportez
Vos ondes dans le sein des mers dont vous sortez ;
Tandis que pour remplir la triste destinée
Où nous sommes assujettis,
Nous irons reporter la vie infortunée
Que le hasard nous a donnée
Dans le sein du néant d’où nous sommes sortis.