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aussitôt de ces malheureux événemens, et qu’il s’est fait devant le congrès l’accusateur passionné du cabinet, particulièrement du ministre de la guerre. Le gouvernement ne s’est pas montré d’abord très heureux ou très habile dans sa défense, et M. Romero Robledo le tient encore sous la menace d’interpellations incessantes, qui peuvent être un embarras si elles ne sont pas un danger. — Autre incident. Il est certain que, depuis quelque temps, il n’est bruit à Madrid, même dans le congrès, que d’intrigues qui auraient été nouées dans l’ombre, autour du palais, et où le nom de quelques membres de la famille royale se trouverait mêlé, on ne sait dans quel intérêt. Ce n’est probablement pas de son plein gré que la reine Isabelle est partie pour Séville avant de recommencer ses excursions en pays étrangers, et le président du conseil a pris sur lui, il y a quelques jours, il l’a avoué lui-même, de détourner M. le duc de Montpensier d’un voyage que ce prince se proposait de faire au-delà des Pyrénées. Qu’y a-t-il de réel ou de vraisemblable dans tous ces bruits ? Il a dû y avoir quelque exagération, puisque M. le duc de Montpensier a pu depuis se rendre à Madrid, où il passe quelques jours avant d’aller à son tour retrouver la reine Isabelle à Séville. Ce n’est pas moins un fait assez curieux que des intrigues de ce genre puissent occuper l’opinion et créer une position au moins délicate au gouvernement de la régente. Il est avéré, dans tous les cas, que ces intrigues n’auraient été ni favorisées ni encouragées par le chef du parti conservateur, M. Canovas del Castillo, qui ne se sépare pas du ministère sur ce. point. Enfin, ce qui est plus grave, c’est l’opposition que rencontrent les projets économiques du ministre des finances, M. Puigcerver, parmi les hommes qui, dans un intérêt agricole et industriel, proposent tout un système de protection, — réduction de l’impôt foncier, élévation des droits d’entrée sur les céréales. Le chef du cabinet a réussi à esquiver provisoirement le danger, en obtenant ces jours derniers du congrès la nomination d’une commission favorable aux projets du gouvernement ; mais la question est loin d’être décidée, et la lutte sera d’autant plus vive qu’il y a des hommes de tous les partis dans cette campagne engagée pour remédier à la détresse de l’agriculture et de l’industrie en Espagne.

Que résulte-t-il de tout cela? C’est qu’évidemment la situation du ministère n’est rien moins qu’assurée, et que M. Sagasta, s’il garde personnellement le pouvoir, sera nécessairement conduit à renouveler encore une fois et avant peu son cabinet ; mais c’est là précisément la difficulté pour lui, dans les conditions où il s’est placé depuis qu’il dirige les affaires de la régence. Le cabinet, dans ses renouvellemens successifs, est toujours resté jusqu’ici composé de façon à maintenir un certain équilibre entre les partis. Si, dans sa tentative nouvelle de remaniement, M. Sagasta va trop vers les libéraux avancés qui lui promettent leur alliance et leur appui, il risque de s’aliéner