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avec Alger par mer. Le maréchal y laissa une garnison de 250 hommes et reprit, le 11, le chemin de Borj-Mnaïel.

Dans l’après-midi, on aperçut, le long des pentes, des groupes de Kabyles, el le soir, de grands feux au sommet des montagnes. Parmi les tribus du voisinage, surtout chez les Amraoua, la plus considérable, il y avait deux partis, celui de la soumission, celui de la résistance. Le dernier avait à sa tête Bel-Kassem ; comme il était soutenu par l’influence du khalifa d’Abd-el-Kader dans le Sebaou, Ben-Salem, ce fut lui qui l’emporta; le chef des amis de la paix, Medani-ben-Mahi-ed-Dine, fut obligé de suivre le mouvement et de donner au parti triomphant sa famille en otage.

Le 12, les hostilités commencèrent. Les kabyles vinrent attaquer la colonne du maréchal au passage du Sebaou. L’affaire fut engagée par la cavalerie des deux parts; le lieutenant-colonel Daumas, à la tête du goum, fit d’abord reculer l’ennemi. « J’avais réuni sous les ordres du capitaine d’état-major de Cissey, dit le maréchal Bugeaud dans son rapport, 50 maréchaux-des-logis ou brigadiers du train des équipages militaires, 9 gendarmes, 20 spahis et quelques chasseurs de mon escorte, pour former la réserve du goum arabe. C’étaient les seuls cavaliers français dont je pouvais disposer, ma cavalerie régulière ayant été laissée à Bordj-Mnaïel. J’ai eu beaucoup à me louer de cet escadron vraiment d’élite. Vers la fin de la charge, qui s’est terminée à 3 lieues 1/2 de la rivière, il était en tête, et c’est à lui et à quelques officiers énergiques que nous devons d’avoir sabré bon nombre d’Arabes. »

Les fantassins kabyles occupaient les hauteurs à droite de la direction que le maréchal devait nécessairement suivre. Il fit donc faire à l’infanterie tête de colonne à droite, pendant que la cavalerie se rabattait à gauche sur l’ennemi, dont la ligne, coupée par tronçons, s’éparpilla dans les ravins. « Mes cavaliers arabes, ajoute le maréchal, ne savaient se décider ni à prendre ni à tuer leurs coreligionnaires, malgré tous les efforts des officiers français. Ils se bornaient à leur enlever leurs armes et leurs burnous, puis ils les laissaient aller. Toutefois, il resta sur ce point environ 150 hommes sur le terrain ; on y recueillit un drapeau, beaucoup de fusils, de yatagans et de flissas. » La prise et l’incendie du village de Taourga mirent un terme au combat, qui prit le nom de ce village.

Le lendemain 13 mai, le jeune Ben-Zamoum, fils du fameux chef qui avait donné tant de besogne aux Français dans les premières années de la conquête, fit porter au maréchal des promesses d’obéissance, à la réserve de l’impôt, auquel il ne voulait pas être soumis; à quoi le maréchal fit répondre qu’il n’avait pas deux poids et deux