que vous proposez ne signifie rien. Il n’y a qu’une manière de lever toutes les difficultés, c’est que le sénat défère lui-même à M. le comte d’Artois la lieutenance-générale du royaume. »
C’était Fouché qui rentrait tout à coup en scène. « Au moins répondit Vitrolles, vous avancez quelque chose. Jusqu’à présent, on ne m’a présenté que des impossibilités. Nous sommes patiens, parce que nous connaissons notre force et que les moyens de conciliation nous paraissent les meilleurs. Je ne saurais préjuger l’opinion de Monsieur sur votre idée improvisée, mais s’il adoptait quelque chose de semblable, qui nous garantirait l’acceptation du sénat ?
« — Moi ! répliqua vivement Fouché, si M. le comte d’Artois consent à faire une déclaration de principes qui satisfasse les esprits. » Puis, sans perdre de temps, il se mit à écrire sur un guéridon un projet de déclaration et il en donna lecture[1].
Vitrolles s’en empara et courut le porter à Monsieur. Bien que le nom du duc d’Otrante lui fît froncer le sourcil, il approuva la déclaration après quelques corrections ; avec son esprit moins brillant, mais plus décidé que M. de Talleyrand, Fouché venait de trancher le nœud que d’autres, depuis deux jours, s’efforçaient en vain de défaire.
Installé à son château de Perrière avec ses enfans, il avait repris son commerce épistolaire avec Mme de Custine. Cette correspondance éclaire d’un jour nouveau son rôle si discuté durant la période encore imparfaitement étudiée qui s’étend du mois de septembre 1814 au mois d’octobre 1816, et embrasse ainsi sa vie politique la plus active jusqu’aux approches de sa mort. Les premières lettres écrites de septembre à novembre montrent Fouché observateur sagace des fautes qui se commettaient, et les signalant dans des pages destinées à être mises sous les yeux de Louis XVIII. Il ne joue pas encore un rôle dans la pièce, mais il le prépare.
La nation n’avait pas été hostile au retour des Bourbons, et il semblait cependant que l’on prît plaisir à élargir la brèche entre la famille royale et l’armée. On faisait tout pour encourager et fomenter une insurrection militaire. Par légèreté et imprévoyance, on réussissait à semer dans le pays les germes d’une méfiance funeste. Mais tout était réparable, puisque le livre auquel Napoléon avait mis « le signet, » comme on l’a dit, se rouvrait après quatorze ans, et que la France se retrouvait en présence d’une tribune libre.
Il nous reste à montrer le Fouché père de famille tout occupé de l’éducation de ses enfans. Une lettre suffira pour satisfaire sur ce point la curiosité :
- ↑ Voir Mémoires de Vitrolles t. II.