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LA
PUISSANCE DES TÉNÈBRES

RÉFLEXIONS D’UN SPECTATEUR.

Quand les gens d’aujourd’hui publieront leurs mémoires, — soyons tranquilles, il n’en manquera pas, — quelques-uns noteront peut-être la date du 10 février 1888 comme digne d’attention. Il y eut ce soir-là une coïncidence tout à fait réjouissante pour le philosophe. A l’Éden-Théâtre, on célébrait avec les grands rites une solennité artistique : la reprise d’une opérette fameuse, par deux divas fameuses, devant ce public « bien parisien » qui commence à Singapour et finit à Rio-de-Janeiro. C’était un événement. — A l’autre bout de la ville, deux ou trois cents lettrés s’aventuraient en des parages inquiétans, rue de la Gaîté, près le cimetière Montparnasse, pour entendre u craquer les os du petit enfant, aplati comme une galette. » Pareils aux chercheurs d’or du poète, ces lettrés


Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal,


à la découverte du Théâtre-Libre et du drame inconnu de Tolstoï qu’on y devait représenter. Voyant passer tant de voitures inusitées,