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Condillac. Il y signale deux lacunes : la première, de n’avoir jamais parlé que des sensations externes et de n’avoir fait aucune part aux sensations internes, organiques, viscérales, qui jouent un si grand rôle dans nos humeurs, dans notre caractère, dans nos pensées même ; la seconde, c’est d’avoir cru que tout vient du dehors, et d’avoir trop méconnu les déterminations instinctives et spontanées, enfin d’avoir fait de l’homme une statue, au lieu d’en faire un être vivant.

Depuis Cabanis et Gall (car celui-ci a aussi sa part dans cette histoire, mais on ne peut tout dire), la science psychophysiologique resta quelque temps un peu stagnante. Flourens seul mérite d’être signalé, quoique beaucoup de ses opinions soient plus ou moins abandonnées, mais parce qu’il est entré un des premiers dans la voie expérimentale. Ses expériences, par exemple, sur le cerveau des pigeons, servent notamment à distinguer l’intelligence et les phénomènes réflexes proprement dits ; mais si nous voulions entrer dans ce détail, notre historique serait interminable, et il est urgent d’arriver au temps présent.

Ce fut dans l’idéaliste Allemagne que la psychologie physiologique a essayé, surtout de nos jours, à se constituer comme science distincte. M. Ribot, dans son livre sur la Psychologie allemande, nous a raconté cette histoire en détail. Les études de Weber sur la sensibilité, celles de Fechner sur la mesure des sensations, les recherches de Helmholtz sur la vision et sur la musique, tout cela fut condensé en corps de doctrines et enrichi d’observations personnelles par le savant Wundt, professeur de psychologie à Leipsig. Mais ce serait une erreur de croire que l’Allemagne seule a travaillé à cette œuvre scientifique. La France, par les travaux de Broca et de Charcot, l’Angleterre par ceux de Huxley, de Maudsley et de Carpenter, ont eu également leur part, et une notable part. N’insistons pas d’ailleurs sur les travaux des contemporains, car ce serait faire double emploi avec ce qui nous reste à dire sur l’état actuel de cette science et sur les questions qui y sont engagées.

Rappelons rapidement les principaux faits qui, non encore liés et coordonnés, mais constatés, au moins dans une certaine mesure, forment la matière de la science nouvelle. Les localisations cérébrales, et en particulier l’aphasie, le sens musculaire, l’hérédité, la suggestion, le dédoublement de conscience, etc., tels sont, sans compter beaucoup d’autres plus connus et plus anciens, les faits les plus intéressans parmi ceux que l’on a récemment étudiés.

La théorie des localisations cérébrales est due au docteur Gall et à l’école phrénologique ; mais cette école l’a compromise en l’associant à un système insoutenable, et sans apporter l’ombre d’une preuve positive. Aussi Flourens a-t-il été universellement approuvé lorsque, ayant apporté dans la question une méthode scientifique,