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d’abord de s’armer pour le combat, de voter un tarif général dont elle n’a dissimulé ni le caractère ni les intentions ; elle a voulu, selon le mot certes fort expressif dont on s’est servi, « montrer d’une part les pointes de fer du tarif général et de l’autre le rameau d’olivier des conventions. C’était, on en conviendra, une étrange manière de préparer une négociation amicale ! » Après cela ! l’Italie a-t-elle fait des propositions sérieuses ? Elle n’a rien proposé ; elle a envoyé tardivement, vers la fin de l’année, des plénipotentiaires, comme des explorateurs sans mission précise. A la dernière extrémité, elle a consenti à une prorogation du traité de 1881 pour deux mois, afin de laisser à des plénipotentiaires français le temps d’aller à Rome tenter un dernier effort, — et, à voir les subterfuges italiens dans cette dernière négociation, on ne peut guère s’étonner qu’elle n’ait conduit à rien. Il y a eu depuis des contre-propositions venues de Rome, et il est douteux qu’elles aient plus de succès. Au reste, les détails importent peu. La négociation du traité de commerce n’a pas réussi jusqu’à présent et ne pouvait réussir, parce que l’Italie est visiblement dans un état d’esprit bizarre. Les intérêts des deux nations paient les frais des fantaisies qui règnent au-delà des Alpes, d’une politique de méfiance et d’ombrage à l’égard de la France.

Que l’Italie ait sa politique, — ce que les diplomates du jour appellent une grande politique, — qu’elle noue des alliances avec ceux dont elle a subi autrefois le joug et qui lui feront peut-être sentir encore leur protection, elle est libre, c’est son affaire. Elle ne peut pas cependant avoir la prétention de nous faire considérer comme des marques d’amitié des traités où à chaque ligne il est question de guerres contre la France. Ce qu’il y a de plus étrange, c’est que bien des Italiens, un peu troublés peut-être dans leurs vieilles sympathies pour la France, éprouvent le besoin de s’expliquer, de se justifier, et alors c’est une exhumation de tous les griefs usés ou supposés. Henri Heine, l’ironique poète, prétendait jadis que les Allemands ne pouvaient pardonner aux Français le meurtre de Conradin ; il y a des Italiens qui vont chercher la vieille histoire d’un vieux navire, l’Orénoque, qui avait été laissé autrefois à la disposition du saint-père, et qui a été rappelé il y a quinze ans déjà, à une époque où diplomates français et italiens étaient plus préoccupés de ce qui pouvait rapprocher les deux pays que de ce qui pouvait les diviser. M. Crispi lui-même, tout président du conseil qu’il est, raconte qu’il y avait eu un moment, en 1877, — et le moment était en vérité bien choisi, — où le digne maréchal de Mac-Mahon avait voulu organiser une expédition tout simplement pour rétablir le pouvoir temporel du pape ! M. Crispi a écouté cette fable et il la reproduit aujourd’hui. Récemment encore, un journal militaire, presque officieux, dit-on, racontait gravement qu’il y a quelques semaines la France avait eu la pensée de tenter un coup de main sur la Spezzia