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qu’Abd-el-Kader était interné dans l’empire, la dépêche reprochait au maréchal d’être sorti de ses limites, et surtout d’avoir fait un établissement militaire à Lalla-Maghnia, sur un territoire que le sultan d’ailleurs ne revendiquait plus ; c’était contre le seul fait de l’établissement qu’il protestait, en demandant en termes péremptoires l’évacuation du poste.

Le maréchal répondit que les Français avaient le droit de faire sur leur territoire toutes les constructions qu’il leur plairait, tout comme il était loisible aux Marocains d’en faire autant sur le leur, et refusa, en termes non moins péremptoires, l’évacuation demandée. Depuis cet échange de messages, les communications entre les deux camps cessèrent ; mais, huit jours après, le 11 août, le maréchal reçut de Tanger, par Djemma-Ghozaouat, des nouvelles d’une importance décisive.

Le 25 juillet, le prince de Joinville avait écrit au ministre de la marine : « Monsieur le maréchal Bugeaud me dit que la guerre n’est pas déclarée diplomatiquement, mais qu’elle existe de fait. Il ajoute que je suis libre de suivre une marche différente de celle de l’armée de terre, et d’employer des moyens dilatoires, alors qu’il en est venu à une offensive ouverte. Mes instructions me prescrivent de commencer les hostilités dans le cas prévu d’une semblable déclaration de la part du maréchal. J’ai fait mon possible pour lui faire partager mon opinion ; comme vous le voyez par sa lettre, je n’ai pas réussi. Il suit une marche contraire à mes idées ; mais, outre que mes instructions me prescrivent d’agir comme lui, je crois qu’à une grande distance de France, quelle que soit la différence d’opinion, il faut unité de vue et d’action entre les agens du gouvernement. Or, entre M. le maréchal et moi, c’est moi qui dois céder ; je m’incline devant son grade, son âge, son expérience. Puisqu’il fait la guerre sous sa responsabilité, puisqu’il a recours à ce moyen extrême pour obtenir la paix, puisqu’il me place dans un des cas prévus par mes instructions, celui où la guerre serait positivement déclarée et engagée, je me tais et je ferai tous mes efforts pour le seconder. »

Le 1er août, le prince parut devant Tanger. Son escadre comprenait trois vaisseaux de haut bord : Suffren, Jemmapes et Triton ; la frégate à voiles Belle-Poule ; trois frégates à vapeur : Labrador, Asmodée, Orénoque ; quatre corvettes à vapeur : Pluton, Gassendi, Véloce, Cuvier, et plusieurs navires de rang inférieur, en tout vingt-huit bâtimens de guerre. Le 2, le délai donné au Maroc pour répondre à l’ultimatum de la France venait à son terme ; mais on n’avait aucune nouvelle du consul d’Angleterre, M. Drummond-Hay, qui s’était rendu à Rabat, par ordre de son gouvernement, pour y