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chaleur et une grande loyauté dans ses démarches. Du reste, si j’avais une nature assez rancunière pour penser au passé en face du présent, je crois que les immenses services rendus par le maréchal en Afrique, depuis un an surtout, doivent, dans l’esprit d’un vieil Africain comme moi, dominer tout autre sentiment. C’est là ma disposition véritable, et c’est ainsi que vous me trouverez. »


VIII

Le maréchal duc d’Isly avait demandé deux mois de congé, afin de se rendre à Paris et de prendre part aux discussions de la Chambre ; mais, avant de s’éloigner, il voulut achever, chez les Kabyles de la vallée du Sébaou, toujours agitée par les intrigues de Ben-Salem, l’œuvre que les affaires du Maroc l’avaient contraint de laisser, au mois de mai précédent, à l’état d’ébauche. Les opérations commencèrent à la fin de septembre, sous la direction du général Comman, qui partit de Dellys à la tête d’une colonne de 2,800 hommes. Pendant une quinzaine de jours, il manœuvra sur les deux versans de la vallée sans éprouver de résistance ; mais, le 17 octobre, chez les Flisset-el-Bahr, il se trouva en présence d’un gros rassemblement de Kabyles groupés au-dessus du pic du Tléta, près du village de Tiferâa. Malgré l’entrain des troupes que menaient à l’attaque le colonel de Saint-Arnaud et le lieutenant-colonel Forey, les Kabyles ne purent pas être débusqués de toutes leurs positions, et le général Comman dut se replier sur Dellys, où il rentra, le 19, avec une perte de 26 tués et de 167 blessés. Ce petit combat avait donc coûté plus cher que la bataille d’Isly.

Averti de l’échec, le maréchal prit immédiatement la mer avec quatre bataillons, descendit à Dellys et se porta, le 25, contre les Flisset-el-Bahr. Le 28, il les fit attaquer par trois colonnes, à une lieue en arrière des positions qu’ils avaient si bien défendues, le 17, et les culbuta de telle sorte qu’ils se hâtèrent, eux et les voisins, de faire leur soumission. Le 5 novembre, la colonne expéditionnaire fut dissoute, et les corps regagnèrent leurs cantonnemens.

A tout prendre, cette campagne d’automne en Kabylie ne fut guère plus décisive que la campagne du printemps ; mais la saison devenait mauvaise et le maréchal avait hâte d’être à Paris. Il partit d’Alger le 16 novembre, laissant l’intérim du gouvernement au général de La Moricière.

Le 24 janvier 1845, le vainqueur d’Isly prononça, dans la chambre des députés, un grand discours d’une haute importance. Après avoir commencé par avouer le peu de goût que le traité de Tanger lui avait inspiré d’abord, et déclaré loyalement que