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Au sortir d’une longue période de stagnation et de barbarie, l’Allemagne, vers 1450, fait son entrée soudaine dans la renaissance : cette éclatante floraison, M. Janssen la considère comme la fin du moyen âge, tandis que les historiens y voient d’ordinaire le prélude de l’âge moderne. La vie de l’esprit prend tout à coup le développement le plus heureux et le plus sain. Une révolution d’une immense portée s’effectue par la découverte de l’imprimerie, qui se propage dans toute l’Allemagne, et de là dans toute l’Europe. Puissant instrument de civilisation, elle favorise l’échange des idées et rend la science accessible à tous. Un profond besoin de culture se manifeste dans toutes les classes, et l’Allemagne est alors inépuisablement féconde en hommes remarquables : le plus grand de tous, c’est Nicolas de Cusa, « vrai géant intellectuel au déclin du moyen âge, » un saint, un savant, précurseur de Copernic, plein d’enthousiasme pour les anciens, préoccupé d’idées de réformes au sein même du catholicisme. Ses efforts sont secondés par la propagation des livres. Bien éloigné de se montrer hostile à ce mouvement des esprits, le clergé donne l’impulsion et bénit l’imprimerie comme une invention angélique.

Ce progrès général, d’après M. Janssen, est étroitement lié à la doctrine de l’église sur le mérite des bonnes œuvres et leur efficacité pour le salut. Dès les premières pages, l’historien catholique met ainsi en vedette ce dogme fondamental, que la réforme attaquera comme la citadelle même de l’influence sacerdotale par la dispense des sacremens, en lui opposant l’inutilité des œuvres et la seule justification par la foi. C’est à ce dogme, fertile en résultats bien faisans et de la plus haute importance sociale, que M. Janssen attribue pour une grande part la civilisation du XVe siècle, comme aussi sa négation produira le retour à la barbarie du XVIe. Le mérite des œuvres a, en effet, pour conséquence l’abondance des legs pieux, la fondation et l’entretien d’innombrables établissemens religieux et d’écoles, d’hôpitaux, d’orphelinats, etc., toutes dépenses qui grèvent aujourd’hui lourdement nos villes, et que la charité privée dispensait alors d’inscrire au budget.

L’action salutaire du catholicisme se manifeste dans toutes les branches de la vie publique et populaire, instruction, science, art, organisation économique, et les pénètre de sa sève. L’ordre même que suit M. Janssen dans cette démonstration, avec preuves à l’appui, indique clairement les préoccupations contemporaines sous l’empire desquelles il écrit. Il commence par l’école primaire, qui est aujourd’hui la question politique par excellence, celle dont dépend l’avenir des partis. On a fait honneur au protestantisme de l’excellence de cet enseignement : ne s’est-on pas avisé de