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objets et à certaines méthodes, s’agiterait dans un très étroit espace. Moins d’erreurs qu’autrefois, c’est possible ; mais bien peu de grandes vérités en plus. Heureusement il se trouve des investigateurs hardis qui n’ont peur ni des contradictions, ni des sarcasmes, et qui osent sortir des chemins battus. Ils font en cela œuvre de savans ; car ce qui fait le savant, c’est la hardiesse dans la curiosité, ainsi que le soutenait M. Charles Richet il y a quelques jours.

À ce compte, les auteurs des Phantasms of the living sont bien vraiment des savans. Ils ont osé encourir le reproche d’être absurdes; ils n’ont pas reculé devant un immense labeur, et leur curiosité sans limites est allée s’attaquer au plus grand mystère de la vie humaine.

Existe-t-il, oui ou non, autour de nous, des êtres supérieurs à l’humanité, ou, pour mieux dire, différens de l’humanité? Depuis notre enfance, nous avons été si bien habitués à ces mots de fantômes, esprits, revenans, apparitions, spectres, qu’aucune explication plus détaillée n’est nécessaire. Un revenant, un fantôme, c’est une image qui n’a pas de corps, qui cependant va et vient, parle et agit, avec des allures humaines. On nous a bercés avec de pareilles histoires.

Si les vieilles nourrices croient aux revenans, les savans n’y croient pas; et on avouera que c’est une tentative quelque peu étrange et audacieuse que d’associer les mots de fantôme et de science, et de soumettre à un vrai et scientifique contrôle les récits de revenans. Mais, après tout, pourquoi pas? Qui donc se croirait le droit de limiter la vérité, et de décider, avec l’étroit bon sens de l’heure présente, que telle chose est possible et que telle autre ne l’est pas? Pour ma part, je suis très reconnaissant à MM. Gurney et Myers de leur courage. Il doit leur importer assez peu d’être ou non approuvés par les esprits forts qui ont appris la science dans l’épicerie ou la literie, et qui ne croient qu’à ce qu’ils ont vu. Pour ces grands philosophes de boutique, le seul mot de revenant fait hausser les épaules et amène un sourire de dédain. Il nous parait que l’étude loyale du problème vaut mieux que ce vain mépris. Nous croyons que le savant consciencieux doit être assez sage pour ne pas railler avant d’étudier, et pour se dire : « Pourquoi non? Voyons un peu ce que l’on en peut affirmer. Il n’y a aucune absurdité mathématique à admettre des revenans. Si l’on peut m’en donner la preuve, je ne me refuserai pas d’avance à l’accepter. Certes, je la demanderai formelle et sérieuse ; mais je ne me reconnais pas le droit de repousser sans examen cette opinion et d’avoir pour elle un mépris que je n’aurais pas pou: telle ou telle autre hypothèse. »