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se répartissent les forces intellectuelles est d’un intérêt capital, si l’on vise à élever le niveau de l’instruction. Nulle part il n’est aussi aisé que dans les écoles supérieures, où les jeunes gens n’accèdent qu’à la suite d’épreuves réputées plus ou moins difficiles, de mesurer la différence des aptitudes. Là, on croit voir le tableau de l’ensemble des élémens qui composent la partie la plus éclairée de notre société. Quelle inégalité entre les sujets d’une promotion! Parfois il en est un qui émerveille tous ses professeurs : il retient et comprend tout ce qui a été dit dans chacun des cours ; aux questions il répond sans hésiter, avec méthode, soit qu’on lui demande simplement l’énoncé des faits, soit qu’on désire des développemens; c’est vraiment un esprit d’élite. Quelques-uns de ses camarades le suivent à une certaine distance. Puis vient un groupe d’élèves qui comptent parmi les travailleurs; ils n’excellent en rien, ils sont ordinaires. Il y a une suite; il y a ceux qui ont désolé les répétiteurs et qui désespèrent les examinateurs. Ce qu’il fallait apprendre reste vague dans leur esprit ; le petit côté des choses les a particulièrement frappés. Est-ce bien là une image fidèle de la société moderne? A peu près, pus absolument. Le premier d’une promotion, le brillant élève riche de savoir, doué d’une intelligence qui le classera toujours parmi les hommes de haute distinction, ne jettera peut-être pas l’éclat qu’on en attendait, et cela malgré les circonstances les plus favorables. Il avait la grande intelligence qui permet de tout s’approprier; il n’avait pas l’initiative de la pensée, qui conduit aux œuvres originales, aux découvertes. Néanmoins, personne n’en doute, ce sont bien les hommes déjà remarqués dans l’école qui sont appelés à rendre le plus de services à la société aie mieux honorer les carrières où s’exercent le savoir et les talens. Parmi les élèves sans passion pour l’étude, ayant en réalité appris peu de choses, si la plupart doivent rester assez ternes, beaucoup d’entre eux peuvent encore avoir assez bonne apparence dans toutes situations où de hautes facultés ne sont pas nécessaires. Il en est de peu instruits, par suite d’un défaut d’application, plus ordinairement d’un défaut d’aptitude, qui montrent parfois une singulière habileté dans la conduite de certaines affaires. Il en est même qui parviennent à s’élever à des positions où l’on s’étonne de les trouver. Quelques-uns, faibles dans une école supérieure, comme ils l’avaient été pendant les classes, viennent même, par aventure, marquer tout à coup par un acte de grande habileté ou par une idée neuve; seulement le cas est rare. De temps à autre, lorsque se produit un événement de ce genre, on entend dire à d’anciens condisciples : c’est étrange, il ne faisait rien à l’école! Quelles que soient les matières enseignées, quels que soient les vices ou les