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On rencontre également, aux environs des villes manufacturières et près des grandes fabriques, de véritables villages ouvriers, remarquables par l’ordre, le confortable et la propreté qui y règnent. Lors du congrès d’hygiène de La Haye, en 1884, j’ai eu l’occasion d’en visiter un dans l’Agneta-Park, à Delft, et j’en ai gardé le meilleur souvenir.

En Allemagne, la question des logemens ouvriers s’agite depuis plus de quarante ans. C’est Victor-Aimé Hubert qui l’a soulevée vers 1840 ; le congrès des économistes allemands s’en est occupé à diverses reprises ; les socialistes l’ont agitée dans leurs réunions ; des solutions ont été proposées par Schulze-Delitzch, par Engel, par Brentano ; enfin, en 1885-1886, une enquête a été faite par le Verein für Social-Politik, qui compte dans son sein des économistes distingués, tels que les professeurs Nasse (de Bonn), Conrad (de Halle), Schmoller (de Berlin), et enfin M. Miquel, bourgmestre de Francfort-sur-Mein, l’un des deux chefs du parti national-libéral, administrateur et financier de premier ordre, mais profondément dévoué à ce socialisme délai dont le grand-chancelier de l’empire poursuit l’application à toutes les questions économiques.

L’enquête, bien que dirigée par M. Miguel, n’a pas eu de succès. La question est restée dans le domaine de la théorie, et, en dehors des points sur lesquels l’intervention directe de l’état s’est manifestée, il a été fait bien peu de choses. Les efforts tentés par des sociétés plus ou moins philanthropiques n’ont pas produit de résultats sérieux.

En 1870, lorsque l’Allemagne fut prise d’une sorte de fièvre de spéculation, et qu’elle pensa que Berlin allait devenir la capitale de l’Europe, les loyers et le prix des terrains subirent une hausse considérable. Les ouvriers y affluaient de toutes parts et les logemens faisaient défaut. Le moment semblait favorable au développement de sociétés de construction. Il s’en constitua un assez grand nombre, mais il en est peu qui aient survécu. Elles avaient pour but d’assurer la propriété des immeubles à leurs locataires au bout d’un temps donné, en comprenant l’amortissement dans le prix du loyer. À ce moment, les salaires étaient très élevés, et les ouvriers, atteints comme les autres par la rage de la spéculation, contractèrent à la légère des engagemens qu’ils ne purent tenir. Lorsque la crise éclata, beaucoup de sociétés se trouvèrent compromises. Pour construire, elles avaient eu recours au crédit hypothécaire; les intérêts absorbaient tous les bénéfices, et bientôt les actionnaires furent obligés de faire des sacrifices pour payer les dettes et liquider la situation.

L’ouvrier allemand, dit M. Raffalovich, n’est pas encore parvenu à un degré d’instruction économique qui lui permette d’apprécier les