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napolitains, découronnés à leur tour par les révolutions, ont cessé de régner !


III

Ce n’était sans doute qu’un incident dynastique. Tel qu’il était, il éclairait et résumait une situation, la nature des rapports de la royauté de Juillet avec les vieilles cours. M. de Metternich allait bien jusqu’à une « amitié de raison, » pour parler son langage ; il ne voulait pas aller jusqu’à un mariage de raison politique, par lequel l’Autriche aurait paru se séparer de ses alliances absolutistes pour se rapprocher d’une puissance révolutionnaire. Il ajoutait de son ton sentencieux : « Nous professons la religion dans laquelle nous sommes nés, le roi des Français a abjuré cette religion… » Peut-être jugeait-il plus simplement que c’était assez, dans sa carrière, du mariage de Marie-Louise ! Il restait à savoir quelle serait l’influence du refus autrichien sur les relations entre Paris et Vienne. M. Thiers n’avait pas caché que la France ressentirait l’injure faite à ses princes, qu’elle pourrait le montrer dans sa politique ; — et, en effet, après avoir essayé sans succès « un peu de sainte-alliance, » comme il le disait, le chef du cabinet des Tuileries tentait de se dédommager par a un peu de révolution, » en proposant une intervention en Espagne. Le roi Louis-Philippe n’était pas moins sensible que son jeune président du conseil à la mésaventure de Vienne ; il se gardait toutefois de céder à ses ressentimens, de mettre du dépit dans sa politique, — et, loin de suivre M. Thiers dans ses projets d’intervention au-delà des Pyrénées, il se hâtait de l’arrêter, au risque de braver une crise ministérielle de plus. M. de Metternich, de son côté, en se refusant à un mariage qui « aurait été, disait-il, une faute de part et d’autre, » ne voulait pas aller plus loin. Il s’étudiait, au contraire, à guérir par ses explications la blessure qu’il avait faite. Il s’intéressait même, peu après, au mariage du duc d’Orléans avec la princesse Hélène de Mecklembourg-Schwerin. Il redoublait de ménagemens, de flatteries à l’égard du souverain français, et affectait de reprendre avec lui ses habitudes de consultations secrètes. Rien ne paraissait changé ; les relations entre les Tuileries et vienne restaient ce qu’elles étaient avant le projet de mariage, tour à tour captieuses ou bienveillantes, mêlées de petites duplicités, de réserves, de confidences et de discours à perte de vue sur « les difficultés du temps. »

A mesure qu’on avançait dans le règne et que les questions se multipliaient en Suisse ou en Italie, en Espagne ou en Orient, la monarchie de Juillet avait pris visiblement les caractères d’une puissance établie. Elle avait donné plus d’un gage de sa modération