La règle du système britannique veut également que le roi appelle tour à tour au ministère les leaders des majorités diverses qui se succèdent dans les assemblées. Il doit donc planer au-dessus de tous les partis, loin d’être solidaire d’aucun d’eux. La monarchie parlementaire, à ce point de vue, est le gouvernement alternatif par l’élite des deux grands partis nationaux, sous la présidence impartiale du souverain indépendant. La république américaine est le règne exclusif d’un parti sous la direction personnelle de son propre chef, forcé de gouverner dans l’intérêt de ceux qui l’ont élu. Par suite, le président des États-Unis distribue les portefeuilles aux plus dévoués de ses adhérons. C’est un devoir aussi strict pour lui que peut l’être pour la couronne l’obligation d’inviter les principaux membres des majorités législatives à constituer le cabinet. Le droit théorique de choisir les ministres est entier et absolu dans les deux systèmes. Le droit réel se trouve limité, en Angleterre, par les traditions du parlementarisme ; en Amérique, par les exigences électorales.
Washington, dès son avènement, voulut avoir à la fois comme secrétaires d’état Jefferson et Hamilton, les plus illustres représentai des doctrines contraires. Mais alors les institutions nouvelles étaient dans la période d’essai ; les partis se classaient à peine ; et le glorieux soldat de l’Indépendance, élu par le vœu unanime du pays reconnaissant, possédait seul assez de prestige pour grouper autour de lui toutes les bonnes volontés. Cependant cette tentative de fusion ministérielle échoua. Le ministère, divisé contre lui-même, finit par se démembrer après de pénibles tiraillemens. Jefferson donna sa démission définitive. Randolph s’étant aussi retiré, Washington ne compta plus parmi ses secrétaires d’état que la fine fleur des fédéralistes. Zachary Taylor, qui annonçait loyalement l’intention plus généreuse que réalisable d’être le président du peuple entier et non d’un parti, se déclarait décidé en conséquence à ne pas s’occuper de l’opinion des candidats pour la nomination aux emplois publics. Mais il comprenait fort bien que le même éclectisme n’était pas applicable au choix des ministres. « Les fonctions administratives, disait Taylor, doivent être accessibles aux hommes de tous les partis. Quant à mon cabinet, c’est différent. J’y ferai entrer tous les intérêts, non tous les partis de la république. Je suis et j’ai toujours été whig ; je ne saurais renoncer à mon parti en venant siéger au fauteuil présidentiel. » Telle est la vraie doctrine américaine.
Sans méconnaître les avantages de la responsabilité ministérielle dans les milieux appropriés, les publicistes des États-Unis ne se font pas faute d’en signaler certains inconvéniens manifestes, que