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violoncelles, un duo que tout à l’heure les deux sœurs chanteront. Le tout se termine par une péroraison éclatante, cantique à la fois religieux et guerrier, qui mènera les soldats de Mylio à la victoire. Tous ces motifs sont liés symphoniquement, sans développemens oiseux ni soudures artificielles ; pas de marqueterie ni de placage, mais de la cohésion et de l’homogénéité. Comme toutes les ouvertures de ce genre, celle-ci offre certainement plus d’intérêt, une fois connue l’œuvre qu’elle résume d’avance ; mais par elle-même, à elle seule, elle est assez bien traitée, les idées en sont assez franches et développées pour qu’elle initie à la partition quand elle ne peut encore la rappeler. L’allegro du milieu, le presto de la fin, échappent à la vulgarité, et c’est merveille d’entendre comme musique de guerre autre chose que de la musique de foire.

J’aime beaucoup le premier chœur. Sans artifice d’orchestre, même sans cloches véritables, il donne l’impression d’un carillon à toute volée. Le rythme, par des syncopes qui balancent la mesure, imite l’alternance du coup de corde et du coup de cloche. Les harmonies sont pleines, les accords serrés et détendus seulement de temps à autre par des parenthèses plus douces.

Déjà le soin paraît partout, et rien n’est à négliger dans cette œuvre où rien n’a été négligé. Il faudrait signaler tous les récits, notamment celui du héraut :


Oui, peuple, voici l’heure où le roi notre sire…


Ces quelques mots ne sont rien sans la musique ; par elle, ils prennent un cachet de noblesse, puis d’élégance suprême, immédiatement après viennent deux chœurs, faits, paraît-il, avec des thèmes bretons. Tant mieux pour les thèmes bretons, car tous deux sont charmans : l’un, avec ses petites réponses de flûte, ses rentrées originales et pourtant naturelles ; l’autre, avec ses coups de grosse caisse en syncopes tout à fait pittoresques. On les a reprochés quelque part à M. Lalo comme un anachronisme et une introduction prématurée du canon dans la Bretagne du Ve siècle. Mais pourquoi toujours Voir dans la grosse caisse une imitation de l’artillerie ? Ne peut-on employer la grosse caisse en tant que grosse caisse et sans arrière-pensée de canon ?

Ces chœurs successifs, et d’ailleurs tous les chœurs de la partition, ne tiennent pas trop de place. Nulle part, les ensembles ne prédominent dans cette œuvre plutôt intime. La foule demeure toujours au second plan ; elle encadre les personnages et ne les étouffe pas. Ainsi la dernière situation du premier acte prêtait à un finale de vastes