Le Flibustier, par Jean Richepin… Oh ! c’est horrible, évidemment ! On ferme les yeux pour ne pas Voir ce drame de sac et de corde. Et, sur le voile obscur des paupières, une hallucination éclate en broderie de feu.
Au bastingage d’un navire une bande forcenée grimpe et s’accroche : des regards furieux, des coutelas serres entre des dents féroces, des tranchans de haches parmi des loques bizarres… A la force des poignets, ces enragés sautent sur le pont : et voici les coutelas dardés, les haches qui tournoient, et le vomissement de flamme des espingoles. Dieu ! quels jets de sang, et quels ruisseaux ! .. Mais à l’odeur de la poudre, à l’odeur de cette boucherie, se mêlent à présent celles de l’eau-de-vie et du rhum. Au milieu des imprécations jaillissent des cris aigus : il y avait des femmes à bord ! Après le massacre, avec le pillage, c’est l’orgie et le viol. Quoi encore ? Ils sont échappés, ces truands, des arsenaux de l’enfer : ils pratiquent des scélératesses et des voluptés que n’inventeraient pas les hommes. Pour donner une suprême secousse à leurs nerfs dans le délire de l’ivresse et dans l’extase bestiale, pour se lancer d’un seul coup jusqu’à l’autre monde et y remporter leur butin, ils vont au moins faire sauter le navire ! C’est le capitaine de ces démons, le plus terrible d’entre eux et aussi de plus beau, qui approche de la soute une mèche flamboyante… Avec sa « peau jaune » et ses « yeux de cuivre » et son « mépris des lois, » n’est-il pas vrai qu’il ressemble, cet écumeur de mer, à l’auteur de