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à des aperçus assez amusans de la vie de province. Peut-être le capitaine Maltby consentirait-il à se brouiller avec sa famille et à quitter son régiment pour l’amour d’elle ; mais la prétendue Mrs Gascoigne (c’est son nom du moment) n’accepte pas ce sacrifice ; elle serait bien près de mettre le grappin sur lord Aswhell, un digne jeune homme qui s’applique à fermer les yeux, si son mari n’apparaissait fort mal à propos pour tout ébruiter. En vérité, il faut plaindre cette pauvre créature, qui ne souhaite que de vivre sagement, confortablement, et qui revient toujours bredouille d’aventures si près de réussir ! Son courage faiblirait s’il n’était soutenu par quelques petites fugues à Monte-Carlo et à Trouville, où elle retrouve Mrs Fortescue, le Casino avec ses bals et ses « petits chevaux, » les menus délicats et un peu de flirtation. Tout cela vaut mieux, elle finit par le comprendre, que le board dans le Lincolnshire, chez un curé de campagne, qui lui fait manger des dîners froids le dimanche, pour laisser les servantes aller à l’église. Aussi cédera-t-elle, vers la dernière page, aux conseils de son bon sens, qui se trouvent d’accord avec ceux de Mrs Fortescue, en acceptant les offres du fidèle et patient Balanikof. Les roubles russes vont lui permettre de refuser les guinées de son mari. Pour le coup, la voici décidément wicked, que ce soit de gré ou de force ; le rideau tombe sur cette chute imprévue. Nous n’aurons plus à noter qu’un trait, mais bien brutal, bien caractéristique, un trait de caricature cruelle à la Hogarth. L’ignoble dean a demandé de l’argent à sa fille ; elle se donne le plaisir de lui envoyer une somme fournie par Balanikof et de lui en dire la provenance. Et le volume finit par la lettre du doyen, chef-d’œuvre de cynisme, dans laquelle il bénit sa chère enfant, en la félicitant de ce qu’il feint de prendre pour une union morganatique, justifiable devant l’église.

Peut-être trouverait-on difficilement dans les romans français rien de plus violemment réaliste, quoique the Dean and his daughter passe, aux yeux de bien des gens, pour une attaque dirigée contre le divorce ou pour un plaidoyer attendri en faveur de la femme divorcée. Les coups sont rudes, sans doute, mais enfin ils sont portés pour la bonne cause. Quant aux fautes contre le goût, celles-là ne comptent pas apparemment, sinon nul ne lirait M. Philips, dont les ouvrages atteignent, au contraire, un nombre considérable d’éditions.

Mrs Forrester a, elle aussi, et depuis plus longtemps, beaucoup de succès. A peine Viva, Once Ayain, Omnia vanitas, My Lord and My Lady, etc., méritent-ils d’être cités comme œuvres d’art ; mais, s’il est vrai que le roman soit toujours, dans une certaine mesure, le reflet des mœurs, nous ne pouvons nous empêcher de remarquer que les mœurs des hautes classes, dont cette plume