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la tête nue et se tient accoudé, dans l’attitude de la réflexion, sur un traversin. Pour bien comprendre sa pose, il faut remonter à la section d’architecture, où l’on trouve une aquarelle de M. Esquié donnant l’ensemble du monument dans lequel doit prendre place cette figure. C’est un édicule oblong, en forme de dais, de style mi-classique, mi-oriental, adossé à une muraille, et supporté par deux piliers, auquel on accède de trois côtés par une série de gradins. Sous le dais repose M. Zafiri sur son divan, tandis que sur les gradins monte vers lui une femme drapée, qu’on voit de dos dans le dessin, et qui est accompagnée d’une petite fille. Ces deux figures complémentaires paraissent devoir être également des portraits et représentent sans doute la femme et la fille de M. Zafiri. Il est certain qu’en modelant ces deux figures élégantes et simples, M. Mercié se trouvera plus à l’aise qu’en employant son ciseau à reproduire les vêtemens si bien confectionnés, à la dernière mode parisienne, du chef de la famille. Toutefois, en traitant la partie la plus difficile de son ouvrage, il y a déjà mis l’adresse et la liberté qu’il apporte en tout ce qu’il fait. Il est resté sculpteur malgré tout, et dans son œuvre comme dans celle de M. Chapu, la ferme vigueur de la tête domine et sauve tout le reste.

Les statues des MM. Galignani et de M. Zafiri sont en marbre ; il faut bien reconnaître que cette éclatante et noble matière se prête moins encore que le bronze aux apothéoses des gens en paletot. Le bronze, avec ses modelés sourds et ses opacités résistantes, dissimule avec indulgence bien des vulgarités et des pauvretés que la transparence du marbre met au contraire en pleine lumière. Dans le bronze, il suffit d’une silhouette heureuse, d’une attitude bien indiquée, d’un geste clair et expressif, pour obtenir le résultat désiré, lorsqu’il s’agit, bien entendu, d’une figure colossale ou de grandeur naturelle, de celles qu’on dresse sur les places publiques. Si nous en jugeons par la réduction figurant au Salon, la statue de M. Boucicaut, fondateur du Bon Marché, sur la place de Bellême, par M. Etienne Leroux, doit y faire assez bon effet. Rien n’indique précisément, dans les accessoires, la profession à laquelle M. Boucicaut dut sa fortune et sa gloire, mais l’image est très familière et très vivante ; c’est celle d’un homme intelligent, satisfait, bienveillant, à qui le monde a souri et qui sourit au monde ; les enfans de Bellême, à le regarder, n’y prendront que des habitudes de belle humeur et des idées encourageantes. On voudrait un peu de cette animation dans la statue de l’illustre chimiste J. -B. Dumas, pour la ville d’Alais, par M. Pech ; cette grosse figure nous a paru épaisse et lourde, et n’exprimer que médiocrement l’intelligence si ouverte et si vive du modèle. La statue agenouillée du Comte de Chambord,