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tout arranger, de remettre la paix dans le ménage ministériel, il n’a pas réussi, et tout a fini provisoirement par une démission collective du ministère, — après quoi M. Sagasta lui-même a été chargé par la régente de refaire un cabinet.

Ce n’est pas la première fois que M. Sagasta, qui est un habile tacticien, joue ce jeu un peu risqué. Il a déjà remanié à plusieurs reprises le ministère libéral dont il est le chef depuis le commencement de la régence ; il vient de le remanier encore en se séparant de quelques-uns de ses anciens collègues et en se donnant quelques collègues nouveaux. M. Alonso Martinez, qui est un constitutionnel modéré, reste au ministère de la justice, M. Puigcerver garde l’administration des finances. M. Moret, qui est un orateur éloquent, passe du ministère d’état ou affaires étrangères au ministère de l’intérieur, et il a pour successeur dans la direction de la diplomatie espagnole le marquis de La Vega y Armijo. Le général Cassola, qui a créé au dernier cabinet de singulières difficultés avec ses projets de réformes militaires, sans parler de sa querelle avec le général Martinez Campos, cesse d’être ministre de la guerre, et il est remplacé par un officier estimé, le général O’Ryan, qui a été le précepteur militaire du roi Alphonse XII, qui est d’ailleurs peu engagé dans les luttes de partis. Les autres nouveaux ministres, M. Canalejas, M. Capdepon, sont d’un libéralisme assez avancé. En réalité, c’est toujours le même ministère, mais à demi renouvelé. En est-il beaucoup plus fort ? Il est certain qu’il a toujours devant lui des oppositions dangereuses prêtes à profiter de ses fautes et de ses faiblesses. Il a eu déjà, depuis sa reconstitution, à soutenir de très vives discussions sur sa politique, sur les causes et la signification de la dernière crise, sur l’incident qui a entraîné la démission du général Martinez Campos aussi bien que la retraite du général Cassola. Le général Martinez Campos lui-même s’est expliqué dans le sénat avec une verdeur quelque peu soldatesque, avec une certaine hauteur, et il a eu d’autant plus d’avantage qu’il a été approuvé par le conseil supérieur de la guerre, consulté sur la question pour laquelle il est entré en conflit avec le général Cassola. Tous ces débats qui se succèdent à Madrid, et auxquels ont pris part avec éclat les chefs conservateurs, M. Canovas del Castillo, M. Silvela, n’ont pas été toujours heureux pour le gouvernement. Le ministère n’a pas trop réussi à déguiser ses embarras ; il ne s’est sauvé qu’en éludant les questions trop délicates, et le meilleur moyen qu’il ait de s’assurer quelque durée est d’en finir avec une session qui pourrait devenir dangereuse.

Au milieu de ces agitations ministérielles et parlementaires d’une fin de session, il y a eu du moins une discussion qui n’est pas sans quelque intérêt pour la France. Le parlement espagnol s’est occupé de l’exposition de Paris, et il a voulu que l’Espagne eût sa place à ce grand rendez-vous de toutes les industries du monde. Le gouverne-