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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 88.djvu/287

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les Kréti-Pléti. Le mot Kréti désignait les Philistins comme originaires de Crète ; le mot Pléti serait une abréviation, populaire pour Plesti « Philistin. » Des Cariens, distincts ou non des Philistins, paraissent aussi avoir figuré parmi ces corps de soudoyés étrangers au service des rois d’Israël. Enfin, nous voyons figurer dans l’armée israélite un corps de Gittim au gens de Gath. L’Aryen militaire primitif égalait le Sémite hébréo-arabe en bravoure ; il le surpassait en fidélité, et pour fonder quelque chose on avait besoin de lui.

Les Kréti-Pléti nous apparaissent comme analogues aux Germains, gardes du corps des empereurs romains ; aux Suisses, gardes du corps des rois de France, de Naples ; aux Scythes, soldats de police chez les Grecs. Ces Kréti-Pléti avaient pour chef Benaïah, fils de Joïada, qui figure à côté du sar-sabar et ils ne furent établis, paraît-il, que vers la fin du règne de David. La liste des gibborim n’en fait aucune mention et désigne par un autre mot les fonctions de Benaïah auprès du souverain. Après David, le corps put subsister sous le même nom, bien que n’étant plus composé de Philistins, comme certaines gardes suisses purent être composées de soldats qui n’étaient nullement nés dans les cantons helvétiques.

L’importance que prirent les Kréti-Pléti ou Carim fut bientôt de premier ordre. Ce ferrent eux qui firent échouer les tentatives d’Absalom, de Séba, fils de Bikri, d’Adoniah ; ce furent eux qui assurèrent le trône à Salomon. Quoique Gath n’ait jamais appartenu à David, des Gattites, surtout un certain Ittaï, paraissent être entrés dans sa familiarité la plus intime. Étrangers à l’esprit théocratique, peut-être même au culte de Iahvé, plus étrangers encore au vieil esprit patriarcal qui faisait du vrai Israélite une matière si réfractaire au principat, ces sbires étaient presque la seule force dont disposât une royauté, toujours battue en brèche par les prophètes, ces utopistes réactionnaires. À défaut d’une classe militaire nationale, ils constituèrent une force publique détestée des théocraties, mais au fond très nécessaire ; car nul, autant que l’utopiste, n’a besoin du gendarme, qui maintient provisoirement un présent supportable, en attendant une perfection idéale qui ne vient jamais.

Une nation ne se forme que par l’extinction violente des diversités. L’extinction des diversités se fait rarement sans on noyait de milices étrangères ; car la milice étrangère est plus forte que le soldat indigène pour mettre les gens d’accord, pour vaincre les oppositions intérieures, les tendances séparatistes. Les Philistins fournirent cet élément de cimentation à Israël. Ils ne faisaient en cela que continuer le métier de mercenaire, qui avait été leur premier état. Vers le temps des luttes entre l’Assyrie et l’Egypte, ils furent écrasés, comme Israël, par le passage des grandes