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La sortie de la ville fut lugubre. Toute la maison du roi le suivit, excepté dix concubines, qui restèrent pour garder le palais. Les Kréli-Pléti et le corps de soldats de Gath qui s’était attaché à David lui demeurèrent fidèles. David fit remarquer à Ittaï le Gattite, leur chef, que des étrangers avaient moins de devoirs envers lui que ses propres sujets. Il l’engagea à rester avec « le roi. » Les mercenaires philistins voulurent suivre leur maître dans le malheur. Le défilé commença : on sortit par le nord de la ville ; toute la troupe passa le Gédron en versant des larmes, et commença la montée de la colline des Oliviers. Là se plaça, selon des récits peut-être légendaires, une scène touchante. On vit arriver Sadok, Abiathar et la troupe des lévites portant l’arche d’alliance, ce semble, avec l’intention d’accompagner David. Les lévites déposèrent l’arche à terre jusqu’à ce que tout le peuple fût passé. Mais David dit à Sadok : « Fais rentrer l’arche de Dieu dans la ville. Si je trouve faveur aux yeux de Iahvé, il me ramènera et me la fera revoir, ainsi que la tente où elle demeure… Retourne donc en paix à la ville, toi et ton fils Ahimaas, et Jonathan, le fils d’Abiathar. » Sadok et Abiathar obéirent et réinstallèrent l’arche dans sa tente, près du palais.

David monta, dit-on, la pente des Oliviers nu-pieds et la tête voilée. Tous ceux qui l’accompagnaient pleuraient en montant. À ce moment, David apprit la trahison d’Ahitofel. Ce fut pour lui le coup le plus grave. Ahitofel avait la réputation d’un sage, que l’on consultait comme Dieu lui-même. David arriva au sommet, à l’endroit où l’on adorait Dieu. Là, il rencontra Housaï, homme prudent, qui se disposait à le suivre ; mais le roi, qui n’avait pas oublié sa vieille politique de renard, voulut qu’il rentrât dans la ville pour assister aux conseils d’Absalom et d’Ahitofel, et lui rapporter ce qui se dirait, par l’intermédiaire de Sadok et d’Abiathar.

Le vieux roi traversa alors toutes les épreuves de la mauvaise fortune, trompé par les uns, injurié par les autres. Les Saülides avaient leurs propriétés sur le versant du mont des Oliviers, près de la route que les fugitifs suivaient. Des rancunes qui se dissimulaient depuis trente ans se crurent libres d’éclater. A Bahourim, Sèmeï se mit à accabler d’injures le roi détrôné et à lui jeter des pierres. Abisaï voulait tuer cet insolent ; David fut d’une patience admirable. La conduite de Meribaal fut équivoque. Lorsqu’on eut un peu dépassé le sommet du mont des Oliviers, l’intendant Siba, qui souffrait impatiemment la position subordonnée qui lui avait été faite, vint dénoncer son maître, faisant remarquer à David que Meribaal n’était pas sorti de Jérusalem avec les fidèles, sans doute parce qu’il espérait rentrer en possession de la royauté de son père.