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conduisit pas son armée au-delà de l’Hyphase, le dernier des cinq fleuves ; il ne vit pas la Saraswatî ; mais il apprit que sur le Gange étaient réunis 600,000 hommes, commandés par un grand roi que Plutarque nomme Androcottos et d’autres auteurs Sandracottos. C’était le roi bien connu aujourd’hui Chandragupta. Sa capitale était Pâtaliputra, la Palibothra des Grecs, la ville moderne de Patna. Nanda, son père, avait régné vers 350 avant Jésus-Christ. Son fils fut Amitragâtha, nommé Amita sur les monnaies du temps et Amyntas par les Grecs. Son petit-fils fut le grand Açôka. Cette lignée de princes appartenait à la famille des Mauryas, sortie des rangs du peuple et parvenue au trône malgré l’hostilité des castes privilégiées.

Alexandre avait dit : « J’ouvrirai à toutes les nations des terres que la nature a tenues séparées. » A Suse, il avait marié ses amis avec des Persanes, « assignant aux plus distingués les femmes les plus distinguées. » Lui-même épousa Statira, fille de Darius. Pour mêler les civilisations, il choisit parmi les Perses 30,000 enfans, qu’il fit instruire dans les lettres grecques. Son expédition dans le Pandjâb fut suivie de l’établissement du royaume grec de Bactriane, dont le territoire s’étendait dans la vallée de l’Indus et descendait jusqu’au Guzzarate, c’est-à-dire jusqu’à la mer.

Après sa mort, ses généraux, devenus rois, suivirent ses traces ; ils exécutèrent en quelque sorte son testament. Séleucus entretint un ambassadeur, Mégasthènes, à la cour de Chandragupta, qui lui fit don de 500 éléphans ; cet envoyé écrivit sur l’Inde un livre, malheureusement perdu, et dont les fragmens nous fournissent les premiers documens chronologiques certains sur cette portion de l’Asie. Mégasthènes mourut en 291 avant Jésus-Christ. Au même temps, Antiochus envoyait Denys à la cour de Patna. Ptolémée II entretint aussi un ambassadeur auprès d’Amitragâtha. Depuis cette époque, les relations ne cessèrent plus entre l’Inde et Alexandrie. Le centre principal de ces relations était la grande et savante ville d’Oujjayinî, l’Ouggein des Anglais ; cette ville est située vers l’ouest de l’Inde, non loin du tropique, sous le premier méridien des astronomes indiens. Quant à Alexandrie, les Indiens la désignaient par le nom de Romakapoura, la ville des Romains. Dans les inscriptions sur rocher du roi Priyadarçin, on lit les noms d’Antigone, de Magas, d’Antiochus et de Ptolémée, qui y sont présentés comme des vassaux du roi des Indes.

Le père et les aïeux d’Açoka ne s’étaient point détachés du brahmanisme ; mais, comme issus d’une caste inférieure, ils avaient, au dire de Plutarque, de nombreux ennemis, toujours prêts à se révolter contre des usurpateurs. Les choses arrivent en leur temps : le bouddhisme, qui comptait déjà plus de deux siècles d’existence