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recevoir la couronne de laurier ; il y avait cherché, avec une émotion naïve, les souvenirs des gloires antiques, et rêvé une poétique et impossible résurrection du passé. Il y revenait pèlerin repentant et nouvel Augustin.

Tel Boccace le voyait approcher, comme un Messie de science, de poésie, de vertu. Pétrarque né et nourri dans l’exil, comme tant d’hommes de ce temps, voulait, au passage, visiter Florence, sa patrie, qu’il n’avait jamais vue. De tous les lettrés florentins qui attendaient Pétrarque, Boccace fut le plus alerte. Pétrarque était encore loin de la ville, lorsqu’il reçut de son futur ami un poème de bienvenue en latin. Il y fut sensible, et, avec cette abondance de cœur qui lui était naturelle, répondit par le don de son amitié à l’hommage qui lui était si spontanément fait. Il est fort probable qu’il accepta à Florence l’hospitalité de Boccace.

Au retour de Rome, Pétrarque s’arrêta encore quelques jours à Florence, et y fut comblé d’honneurs. L’esprit pratique des Florentins comprenait alors combien la gloire du poète pouvait devenir utile à la ville. L’université de Florence venait à peine de s’ouvrir, et il importait, pour sa renommée et le profit public, d’y appeler les maîtres les plus fameux. L’intérêt l’emporta donc sur les rancunes politiques, et on résolut de faire amende honorable à Pétrarque, tout gibelin qu’il fût, pour l’exil de son père et la confiscation de ses biens patrimoniaux. En même temps, on le supplierait de revenir dans sa patrie, afin que chacun pût profiter des trésors de sa science universelle. L’ambassadeur choisi ne pouvait être que Boccace. Il partit, portant une supplique assez élégante qu’il avait sans doute rédigée, et arriva à Padoue en avril 1351. Son ambassade sembla d’abord avoir un heureux succès. Pétrarque se montra flatté et touché de la démarche de ses concitoyens. Il ne refusa pas leur invitation, et fit même espérer son départ pour le 18 avril. Dès lors, Boccace, déchargé du souci de sa mission, put jouir sans arrière-pensée, pendant quelques jours, de la société de son ami. « Tous les jours, dit-il, se passaient à peu près de même. Tu te livrais à l’étude des choses sacrées, et moi, avide de posséder tes œuvres, j’en prenais copie. Et quand le jour s’inclinait vers le soir, nous nous levions et quittions nos travaux pour nous rendre dans ton petit jardin, que le printemps nouveau ornait déjà de feuilles et de fleurs. Assis ensemble et devisant, nous passions ce qui restait du jour en un repos calme et louable, jusqu’à ce que vînt la nuit. » Après la science et la poésie, la morale pratique trouvait place dans leurs discours. Pétrarque, pénétré de la lecture des pères de l’église, pressait son ami d’en venir, comme lui-même, au repos de la pénitence et de la vie chrétienne. « Mon