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revenir à ces temps heureux, et, comme l’étude du droit semblait le moyen le plus simple de ramener sur la terre le règne de la loi écrite, on s’y portait avec une ardeur incroyable. Pierre de Blois, qui venait de quitter l’université de Bologne pour celle de Paris, écrivait aux amis qu’il y avait laissés qu’il ne s’était éloigné qu’en pleurant. Il ajoutait que la théologie ne s’était pas tellement emparée de lui qu’il ne revint au droit de temps en temps. « Je me permets, disait-il, à mes heures de loisir, de relire encore le Digeste et le Code, non pas pour le besoin que j’en ai, mais pour le plaisir que j’y trouve. » Cependant, il annonce qu’il se privera désormais de cette consolation, parce que le droit a tant de charme qu’il prend l’homme tout entier et ne lui laisse plus de temps pour le reste. Les gens qui pensaient comme Pierre de Blois étaient nombreux ; aussi les étudians accouraient-ils en foule à Bologne. On nous dit qu’au commencement du XIIIe siècle, il y en avait plus de dix mille, et que les professeurs, ne trouvant pas de salle assez vaste pour les contenir, étaient forcés de faire leurs cours dans la rue.

L’enseignement d’Irnerius paraît bien avoir été l’origine de ce grand succès ; aussi l’université de Bologne s’est-elle décidée à faire remonter jusque-là sa naissance. Ce calcul, en réalité, n’est pas tout à fait juste : comme université, elle est plus jeune ; comme école, elle est plus ancienne ; seulement entre des dates différentes, il a fallu faire un compromis. Mais Irnerius lui-même, à quelle époque a-t-il enseigné ? On a retrouvé son nom dans un acte de l’an 1115 ; et, comme il semble qu’à ce moment il n’était plus jeune et qu’il avait atteint l’apogée de sa réputation, on suppose qu’il devait être professeur depuis une vingtaine d’années au moins. C’est ainsi qu’on s’est cru autorisé à prétendre qu’il avait commencé d’enseigner dans les dernières années du XIe siècle ; et, comme il fallait bien s’arrêter à une date fixe, on a pris, à tout hasard, celle de 1088. Quant à choisir le mois de juin plutôt qu’un autre, on n’avait qu’une raison pour le faire, et l’on ne s’en est pas caché ; on voulait fêter un anniversaire cher aux Bolonais : le 12 juin 1859, les Autrichiens, à la nouvelle de la bataille de Magenta, quittèrent Bologne, et les couleurs italiennes flottèrent pour jamais sur le palais du podestat.

Voilà comment il s’est fait qu’on a célébré, le 12 juin 1888, le huitième centenaire de l’université de Bologne.


II

La date de la fête une fois fixée, Bologne invita toutes les écoles et tous les corps savans du monde à y prendre part. Une belle lettre