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ses hommes d’état, dominés par le mauvais vouloir des chambres, se sont refusés à s’y arrêter. Il ne dépendait que de nos gouvernemens, sous la restauration et sous la monarchie de Juillet, de le conjurer, en faisant entrer dans l’orbite de notre politique, par tout un réseau de conventions postales et commerciales, le midi de l’Allemagne et la Belgique. Mais ils n’eurent pas, comme la Prusse, la vision de l’avenir ; ils éconduisirent Bade, la Bavière, le Wurtemberg et le cabinet de Bruxelles, qui ne demandaient qu’à associer leurs destinées économiques aux nôtres.

Sans sa prévoyance, la Prusse n’eût pas parcouru une course si rapide. La première, elle a compris la force que donne la solidarité des intérêts matériels, et le rôle que les chemins de fer joueraient dans la stratégie militaire. C’est grâce à ces deux grandes conceptions que sa politique et ses états-majors ont pu, à la stupéfaction de l’Europe, précipiter la fusion, longuement et habilement préparée, de tous les élémens germaniques.


V

Au commencement de 1848, le marquis de La Valette, après une courte réapparition à Cassel, se démit d’un poste qui ne répondait ni à ses goûts ni à l’activité de son tempérament. Il siégeait à la chambre dans les rangs de la majorité, et le ministère avait besoin de l’appui de tous ses amis pour résister aux assauts passionnés de ses adversaires.

« La France s’ennuie, » disait alors M. de Lamartine. On trouvait à l’étranger qu’elle était exigeante. La violence des journaux et les débats irritans des chambres n’étaient pas des indices de lassitude ni de désœuvrement ; ils dénotaient plutôt une situation intérieure profondément troublée. Le mot de M. de Lamartine ne s’expliquait, en réalité, qu’appliqué à l’opposition qui depuis sept ans, en effet, s’ennuyait mortellement dans l’attente du pouvoir. Pour satisfaire ses prétentions, elle ne reculait devant aucun moyen : elle pactisait avec la rue, elle s’attaquait aux institutions, elle découvrait le roi. Aux querelles allaient bientôt succéder de sanglantes explications. On était à la veille d’une révolution.

C’est dans ces temps inquiets, lorsque déjà de menaçans nuages s’amoncelaient à l’horizon, que notre premier secrétaire à Bruxelles, nommé ministre auprès de l’électeur, vint prendre possession de son poste. Le duc de Bassano portait dignement un des grands noms du premier empire. Il avait de son père la belle et noble prestance, l’élévation des sentimens, la fidélité du cœur.