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requête de Symmaque, il y répondit à loisir. La réponse est longue, plus longue que l’attaque, où l’on remarque une savante et habile concision, quelquefois même traînante et confuse, mais vive partout et souvent éloquente. Sans me piquer de suivre exactement une argumentation où la suite fait défaut, je me contenterai de résumer les raisons que saint Ambroise oppose à son adversaire.

Ces raisons sont souvent de simples plaisanteries. Symmaque prétend que Rome redemande une religion sous laquelle elle a toujours été Victorieuse, qui l’a sauvée des Gaulois et l’a délivrée d’Hannibal. Mais les Gaulois ont brûlé Rome ; et, s’ils n’ont pas pris le Capitole, ce n’est pas le grand Jupiter, c’est une oie qui les en a empêchés : Ubi tunc erat Jupiter ? an in ansere loquebatur ? On dit que les dieux ont protégé Rome contre Hannibal ; mais, s’ils sont venus cette fois à son secours, il faut avouer qu’ils l’ont fait de mauvaise grâce et qu’ils n’y ont guère mis de diligence. Pourquoi ont-ils attendu pour se déclarer jusqu’après la bataille de Cannes ? Que de sang n’auraient-ils pas épargné en se décidant un peu plus vite ! D’ailleurs Carthage était païenne comme Rome ; elle adorait les mêmes dieux et avait droit à la même protection. Il faut choisir : si l’on prétend que ces dieux ont été vainqueurs avec les Romains, il est impossible de nier qu’ils aient été vaincus avec les Carthaginois. Enfin, à la fameuse prosopopée de Symmaque, qui avait produit un grand effet, saint Ambroise croit devoir en opposer une autre : — c’est une lutte de rhétorique ; — il fait, lui aussi, parler Rome, mais d’une façon très différente. « A quoi sert, dit-elle aux Romains, de m’ensanglanter chaque jour par le stérile sacrifice de tant de troupeaux ? ce n’est pas dans les entrailles des victimes, mais dans la valeur des guerriers, que se trouve la victoire… Pourquoi me rappeler sans cesse aux croyances de nos pères ? Je hais le culte de Néron. J’ai regret de mes erreurs passées ; je ne rougis pas de changer dans ma vieillesse avec le monde entier. Il n’y a point de honte à passer dans un meilleur parti ; il n’est jamais trop tard pour apprendre. »

Symmaque, on s’en souvient, s’était fort apitoyé sur le sort des vestales ; il avait parlé avec attendrissement « de ces nobles filles qui vouent leur virginité au salut de l’état, et, par l’influence de leurs vertus, attirent les secours du ciel sur les armes de l’empereur. » Saint Ambroise pense qu’il faut beaucoup rabattre de ces éloges. D’abord il fait remarquer qu’elles ne sont que sept : ce n’est guère de trouver dans tout l’empire sept jeunes filles qui fassent vœu de chasteté et renoncent aux joies de la famille pour se vouer au culte des dieux. D’ailleurs, elles n’y renoncent pas tout à fait et ne font pas des vœux perpétuels. Entrées à dix ans au service de