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organisation, qui ne se peut modifier du jour au lendemain, et qui fait que Paris ou Londres sont d’infects cloaques à côté de telles villes du Brésil ou de la république argentine, édifiées d’hier. Il faut compter de plus avec la routine, l’indifférence ou l’ignorance qui s’opposent à la réalisation possible de progrès dont l’urgence est grande et que cependant les hygiénistes réclament en vain. Pour prendre un exemple, ne continue-t-on pas à donner à boire aux Parisiens, par périodes qui, pour être intermittentes, n’en sont pas moins dangereuses, cette eau infecte de la Seine où la bactériologie a su déceler le microbe de la fièvre typhoïde, et dont les hygiénistes et les médecins ont prouvé l’action directe sur l’éclosion des épidémies de fièvre typhoïde, qui sont incessantes à Paris ? Et n’est-ce pas vraiment misérable que, dans le centre même où a pris naissance cette belle science des microbes, nous ayons à envier des progrès réalisés en hygiène, déjà depuis longtemps, dans un grand nombre de villes françaises et surtout étrangères ?

Au reste, l’avenir de l’hygiène est grand, car un jour viendra certainement où l’on s’apercevra que toutes les questions sociales se réduisent à des questions d’économie sociale, et que le gaspillage de la vie humaine, comme l’a dit M. Rochard, est le plus ruineux de tous. L’hygiène, qui sait défendre les hommes contre les microbes, sera ce jour-là la reine des sociétés.


VIII

Ainsi, les microbes sont partout. Il y en a dans l’air que nous respirons, dans l’eau que nous buvons ; ils sont les ouvriers d’un aliment presque universel, le pain, et les préparateurs des boissons fermentées en usage chez les divers peuples de la terre depuis les temps les plus reculés. Ils sont même les auxiliaires d’une de nos grandes fonctions physiologiques, la digestion, qui est sensiblement aidée par les transformations que les microbes, habitans ordinaires de notre tube digestif, font subir aux matières alimentaires. Enfin, ils sont les agens destructeurs de tous les détritus animaux et végétaux, que les phénomènes de la putréfaction détruisent, en les réduisant en leurs principes élémentaires, inorganiques. Les ouvriers chargés de cette grosse opération sont d’espèces diverses, et ceux qui y mettent la dernière main et transforment finalement les produits ammoniacaux plus ou moins mal odorans en des sels inodores qui sont d’une si grande utilité à l’agriculture, sont les microbes nitrifians, dont le rôle a été mis en évidence par MM. Schlœsing et Muntz, et auxquels on est en voie de confier la fonction éminemment sociale de l’épuration des