précaire, transitoire, la préface d’un règne menaçant. Il fallait qu’elle payât de sa personne, qu’elle se mît en frais pour atténuer, par sa tenue et son hospitalité, le mauvais vouloir qu’on témoignait, dans des cours imbues de préjugés, à un régime dont les origines étaient violentes et les tendances suspectes. Des diplomates improvisés se seraient usés en efforts infructueux. Les agens qui ont derrière eux une longue carrière, seuls sont en état, dans les heures de transition, lorsque les rapports internationaux se trouvent en question, de combattre les préventions et d’attirer les sympathies par leurs relations et par la confiance que personnellement ils inspirent.
La France était mal vue en 1852. La révolution de 1858 avait bouleversé l’Europe, mis en question l’ordre social. Le prince Louis-Napoléon, il est vrai, par le coup d’état du 2 décembre, avait raffermi les trônes, mais son avènement n’était pas moins considéré comme une atteinte au congrès de Vienne, qui avait frappé de déchéance perpétuelle la famille des Bonaparte. Si l’empire n’était pas encore proclamé, au dire de M. Thiers il était fait. Aussi les appréhensions dans les grandes cours étaient-elles vives, la sainte-alliance se sentait menacée ; on prévoyait qu’un Napoléon, par la fatalité de ses origines, serait amené à vouloir déchirer les traités de 1815. « Méfiez-vous du changement qui se prépare en France, écrivait le duc de Wellington peu de semaines avant sa mort ; Louis-Napoléon a besoin de conserver sa popularité, et Dieu sait où cela peut le mener[1] ! »
Toutes les grandes puissances, en principe, étaient d’accord sur l’urgence de se prémunir, par d’inviolables garanties, contre les dangers qu’elles appréhendaient. Mais le difficile était de s’entendre sur la nature de ces garanties et de les préciser. Mettre l’élu du suffrage universel en face d’un ultimatum, imposer à un gouvernement naissant qui, pour se consolider, avait besoin de prestige, d’humiliantes conditions, n’était-ce pas provoquer les complications qu’on avait à cœur de conjurer ? N’était-ce pas méconnaître les services que le prince-président avait rendus à la cause de l’ordre, si profondément troublé depuis 1848 ?
Ces graves questions étaient, avec plus ou moins de passion et de sincérité, débattues dans toutes les chancelleries ; on rédigeait des mémoires, on échangeait des notes.
L’empereur Nicolas était l’âme des pourparlers qui se poursuivaient secrètement entre les cabinets, au sujet d’une
- ↑ Journal de lord Malmesbury.