du typhus, qui n’était « qu’un événement de guerre. » Un médecin allant d’une ambulance à une autre est frappé par un projectile et tué, il laisse à sa veuve la moitié de la pension à laquelle il aurait droit ; il meurt de fatigue, de contagion, d’épuisement en soignant les épidémies nées de l’agglomération de troupes, il ne lui laisse que le quart ; c’est absurde, un député le comprit et proposa un amendement : « Auront droit à la même retraite les veuves des officiers morts de maladies contractées au service des hôpitaux d’une armée en campagne. » La proposition ne fut point adoptée, mais le commissaire du gouvernement sentit certainement l’injustice de la différence du traitement appliqué à des hommes qui sacrifiaient également leur vie à la gloire ou au salut du pays, car il ajouta : « La loi n’a pas dit son dernier mot ; .. le vœu manifesté par la chambre sera pris en très grande considération. »
C’était un engagement formel, du moins on le pouvait croire, et cependant voilà trente-deux ans que cette parole reste à l’état de promesse. Depuis cette époque, les guerres et les épidémies qui les accompagnent ont mis à de rudes épreuves le dévoûment du service sanitaire de nos armées et de notre marine en France, en Tunisie, à Madagascar, au Tonkin ; mais nulle loi n’est venue réparer un déni de justice dont on reste stupéfait. Il est inexplicable que le pouvoir législatif n’ait point compris que les effets produits par des causes semblables doivent être appréciés d’une façon identique. Faut-il répéter encore, répéter à satiété, que la maladie est plus meurtrière que l’obus et la balle ? L’officier sanitaire mourant, au champ de l’hôpital, victime du typhus engendré par la guerre, doit être assimilé, sans réserve, à l’officier militaire tombant sur le champ de bataille, car l’un et l’autre sont tués à l’ennemi qu’ils ont mission de combattre. Il y a là une anomalie douloureuse ; je dirai le mot brutal : une iniquité indigne d’une nation qui se respecte. On a dit : « La France est assez riche pour payer sa gloire ; » mais elle est également assez riche pour ne pas tarder quand il s’agit de reconnaître le courage et l’abnégation de ceux qui sont morts pour elle ; au feu ou à la contagion, c’est tout un, ils lui ont donné leur vie.
Les faits regrettables, pour ne pas dire plus, qui s’étaient produits du début à la fin de la guerre dans nos hôpitaux de Crimée, les négligences administratives, l’insuffisance numérique où le personnel médical avait failli s’anéantir ; les transbordemens inhumains auxquels les malades étaient condamnés sur les navires du commerce, ces désordres qui ont coûté tant d’existences, furent alors presque ignorés en France. À cette époque, la presse quotidienne était fort discrète ; un certain décret du 17 février 1852 la