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pouvaient y prendre intérêt. La bataille l’a ému, mais bien moins que le sort des blessés ; c’est d’eux qu’il se préoccupe, c’est à leur salut qu’il pense, c’est à les secourir par tous moyens possibles qu’il convie la civilisation. Le docteur Palasciano réclame des immunités internationales en faveur des blessés et de ceux qui en ont charge ; M. Dunant demande l’intervention de l’humanité pour suppléer à l’insuffisance permanente du service médical et pour remédier à l’abandon pour ainsi dire forcé des blessés sur le champ de bataille. Il dit : « Dans aucune guerre et dans aucun siècle, on n’avait vu un si grand empressement et un si beau déploiement de charité, et pourtant ce dévoûment si général et si remarquable a été sans aucune proportion avec l’étendue des maux à secourir ; d’ailleurs, il ne s’adressait qu’aux blessés de l’armée alliée et nullement aux malheureux Autrichiens[1]. « Il sait que le personnel des ambulances militaires est insuffisant et sera toujours insuffisant, fût-il doublé, triplé, quadruplé. Il constate que les progrès dans l’œuvre de destruction sont incessans et semblent exciter l’émulation des gouvernemens, pendant que l’œuvre de salut demeure stationnaire et trop souvent inefficace. Puisque le principal souci des peuples est de se tenir prêts à la guerre, il se demande pourquoi on ne se préparerait pas également à soulager les maux qu’elle fait naître. Le vœu qu’il formule est simple : « N’y aurait-il pas moyen, pendant une époque de paix et de tranquillité, de constituer des sociétés de secours dont le but serait de donner des soins aux blessés en temps de guerre, par des volontaires zélés dévoués et bien qualifiés pour une pareille œuvre ? » Tout ce qu’il a vu sur le lieu du combat, dans les ambulances volantes, dans les maisons de Castiglione, dans les hôpitaux de Brescia, de Milan, d’Alexandrie, lui a donné une expérience qui va porter fruits. Les observations qu’il a faites lui inspirent une réflexion dont la justice frappera tous ceux qui se sont occupés des établissemens hospitaliers. Elle est à méditer, et j’y insiste : « Pour une lâche de cette nature, dit-il, il ne faut pas de mercenaires ; trop souvent, en effet, les infirmiers salariés deviennent durs, ou le dégoût les éloigne et la fatigue les rend paresseux. Il faut, d’autre part, des secours immédiats, car ce qui peut sauver aujourd’hui le blessé ne le sauvera plus demain. Il faut donc des infirmiers et des infirmières volontaires, diligens, préparés et initiés à cette œuvre, et qui, reconnus par les chefs des armées en campagne, soient soutenus dans leur mission. » Bar le docteur Palasciano et par M. Henry Dunant, le double pro blême de la neutralisation des services sanitaires et de

  1. Souvenir de Solferino, p. 110.