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progressive, de frapper lourdement les riches. Or les tyrans grecs s’appuyaient volontiers sur les classes inférieures, et leur politique était d’ordinaire hostile à l’aristocratie. Pisistrate aurait donc été singulièrement maladroit en détruisant l’œuvre dont on fait honneur à Solon, et en la remplaçant par une dîme strictement proportionnelle au revenu. Si ce dernier impôt fut perçu sous son administration, c’est qu’il le trouva déjà en vigueur. Il se contenta de le diminuer, peut-être de moitié, et d’accorder aux pauvres des immunités individuelles.

Après la chute de la tyrannie, pendant une période de quatre-vingts ans, il n’est plus question à Athènes d’une contribution foncière. Est-ce à dire que la taxe subsista, et que les auteurs n’ont pas jugé à propos ou n’ont pas eu l’occasion de nous en informer ? La chose assurément n’a rien d’impossible. Il y a pourtant telle circonstance où leur silence, s’il est prémédité, a de quoi surprendre. Au moment de la bataille de Salamine, le trésor était vide, et il fallait beaucoup d’argent. On s’en procura par des expédiens fort irréguliers, que Plutarque a soin de relater, et aucun document ne nous dit qu’il ait été levé le moindre impôt direct. C’eût été cependant le cas ou jamais de commencer par là. Si l’on n’y songea pas, c’est apparemment qu’on en avait perdu depuis longtemps l’habitude. La raison en est d’ailleurs facile à deviner. Après les Pisistratides, on s’était mis à exploiter les mines du Laurion. Les profits furent bientôt si considérables que l’état eut des excédens de recettes, et les citoyens se les partagèrent. Une pareille prospérité financière dispensait de rien réclamer aux propriétaires. Aussi est-il probable que la dime fut alors abolie, si elle ne l’avait pas été déjà. Dès le lendemain des guerres médiques, Athènes acquit encore de nouvelles ressources. Pour conjurer toute invasion asiatique, les Grecs eurent l’idée de réunir dans une même confédération la plupart des cités maritimes de l’archipel. Athènes fut placée à la tête de ce vaste empire, et elle y exerça une autorité de plus en plus grande. Elle en arriva bientôt à gérer sans contrôle les fonds de la ligue ; son trésor finit par se confondre avec celui des alliés ; et, d’assez bonne heure, toute distinction disparut entre sas propres revenus et leurs tributs. Or ces tributs, d’abord fixés à 460 talens (2,711,240 francs), atteignirent vers 430 le chiure de 600 talens (3,536,400 francs), et les Athéniens, enrichis par ces subsides annuels, purent constituer une sorte de réserve métallique, qui ne cessa de s’accroître, malgré les dépenses qu’entraînait la politique démocratique de Périclès.

La guerre du Péloponnèse fit succéder la gêne à cette extrême abondance. En 434, il n’y avait pas moins de 57 millions déposés dans les différentes caisses de l’état. Tout cet argent fut vite épuisé,